On ne joue pas avec l'Europe

Les apprentis sorciers sont déjà châtiés

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Publié le 30/06/2016
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LES APPRENTIS SORCIERS SONT DÉJÀ CHÂTIÉS

LES APPRENTIS SORCIERS SONT DÉJÀ CHÂTIÉS
Crédit photo : AFP

Première victime : le Premier ministre David Cameron. Il a oublié qu'il ne faut pas dîner avec le diable sans avoir une longue cuiller. Il a exigé et obtenu un statut pratiquement privilégié pour son pays au sein de l'UE. Il n'avait imaginé ce référendum que pour le gagner et renforcer sa popularité. Il a perdu, sa carrière est brisée.

Deuxième victime : le chef du parti travailliste, Jeremy Corbin, à qui les membres de son parti reprochent son absence d'ardeur pendant la campagne du Labour en faveur du « in ». Il voulait incarner le retour aux mythes égalitaires d'une gauche dure et intransigeante, il voulait être le Mélenchon anglais et donc, l'Europe, il s'en moque. Résultat : sa carrière de chef du Labour sera brève, ses chances de devenir Premier ministre sont à peu près nulles, sauf si le Brexit se traduit par une hausse dramatique de la pauvreté. 

Troisième victime : Boris Johnson. L'ex-maire de Londres est passé en quelques jours du statut d'amuseur public à celui de sinistre manipulateur. Il a fait campagne contre l'UE pour mettre M. Cameron en difficulté et prendre sa place. Mais le parti conservateur ne semble plus vouloir de lui. Ses excentricités ont toujours incommodé les Tories, mais là, il a prouvé qu'il pouvait être cynique, malhonnête et dangereux pour son propre pays. Lui aussi est menacé d'aller en enfer (celui de la politique).

Quatrième victime : le peuple britannique lui-même qui a voté contre son intérêt et n'en revient pas. Tout se passe comme si chaque partisan du « leave » espérait que le voisin voterait « remain ».

Eviter la débandade

Quelle consternation ! Ils semblent nombreux ceux qui ont choisi le grand large et sont mortifiés, épouvantés par leur propre audace. Pendant qu'une pétition en faveur d'un nouveau référendum (qui n'a aucune chance d'être retenue) réunit près de trois millions de voix, des quantités de votants disent maintenant qu'ils ont été trompés. Forcément, dès lors que le chef de l'UKIP, parti xénophobe, Nigel Farage, qui avait promis que les 350 millions d'euros que, selon lui, le royaume donnait chaque semaine à l'Europe, seraient désormais affectés au système de santé, est revenu sur ses propos le lendemain même du référendum. « Je me suis trompé, a-t-il dit, je n'aurais pas dû le dire et je le regrette profondément ». Il se moque du monde, le reconnaît mais ne pense pas une seconde à démissionner.

Le départ du Royaume-Uni est-il le signal d'une débandade ? En tout cas, les 27, François Hollande en tête, souhaitent que la procédure soit accélérée, ne veulent pas attendre la démission de M. Cameron en octobre pour commencer les discussions avec son successeur. Le Premier ministre britannique doit, dès maintenant, envoyer la « lettre de notification » qui engagera la procédure de séparation, telle qu'elle est prévue dans le traité de Lisbonne. La chancelière allemande, pour sa part, voudrait aller moins vite. Ce qui est sûr, c'est que le couple franco-allemand ne peut pas se permettre la moindre divergence. Premier objectif : donner un coup d'arrêt aux velléités de départ qui pourraient se manifester dans plusieurs pays. Pour cela, il est vrai, il faut montrer aux pays membres que la Grande-Bretagne va boire le vin de la séparation jusqu'à la lie. Ensuite, il faut non seulement réformer les statuts de l'Union, mais envisager un nouveau traité plus simple et plus clair que celui, très insuffisant, qui a été adopté à Lisbonne.

La France serait mieux préparée au leadership européen si elle avait assaini ses comptes publics. Hélas, elle ne l'a pas vraiment fait, notamment parce qu'elle n'a pas prévu de revers de fortune. Hélas, le Brexit est un tsunami. Aujourd'hui, M. Hollande est tenu à la fois de galvaniser les Européens et de donner de la France une image plus positive que celle qu'elle offre aujourd'hui, avec ses crises ridicules, son incapacité à se réformer et son attachement à des idées qui relèvent désormais de la mythologie.

 

 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9509