Les carnets de campagne affûtés du Dr Henri Lafranque

Publié le 14/07/2016
Lafranque

Lafranque
Crédit photo : Isabelle Franciosa © Flammarion

Quatre décennies d’exercice presque exclusivement en milieu rural cela méritait bien un livre. C’est en tout cas ce qu’a semblé penser la maison d’édition Flammarion quand elle a contacté Henri Lafranque. Ce généraliste de 66 ans exerce dans un petit village dans le sud Berry. « J’écrivais des textes pour des formations d’aide-soignante ou de pompiers volontaires et on m’a proposé de mettre en forme ces textes pour en faire un livre » explique le généraliste. Finalement après un travail de 18 mois le livre « Docteur, si j’ai besoin, serez-vous là ? » est né.

Il prend la forme d’anecdotes, de tranches de vie d’un médecin de campagne et de sa patientèle, mais le Dr Lafranque se défend d’avoir voulu se prêter à l’exercice autobiographique. « C’était un gros débat avec la maison d’édition; je voulais me tourner vers quelque chose de plus littéraire alors qu’ils souhaitaient un côté autobiographique plus archétypal. Moi je ne voulais pas raconter la vie de Henri Lafranque mais la vie d’un médecin, c’est pourquoi j’ai laissé les éléments autobiographiques au minimum ». Une distanciation qui explique également le choix d’écrire à la troisième personne et de surnommer le héros du livre « Toubib ».

Un tableau mordant de la profession

[[asset:image:10766 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["Flammarion"],"field_asset_image_description":[]}]]

Le regard du médecin sur ses patients, son environnement est bienveillant mais malgré tout le portrait dressé est assez sombre. « Quand on démarre, on veut à tout prix soigner mais on ne nous forme pas pour ce que les gens attendent de nous, confie Henri Lafranque. Il y a une violence de la société, une violence intrafamiliale. Mais est ce qu’on est formé à cette violence ? Est ce qu’on est vraiment dans notre rôle pour y faire face ? Au bout de 40 ans d’exercice, je viens à la conclusion que le plus important c’est la démarche éthique » conclut-il. Le généraliste porte aussi un regard acéré sur l’humour carabin « qui peut être utile (…) mais ne peut pas tout excuser » écrit-il dans le livre, ou sur les études de médecine. « Le tri ne se fait pas sur les bons critères, on laisse de côté des gens qui ont vraiment envie parce qu’ils n’ont pas fait la bonne section ou que la masse de travail demandée au concours est injuste » explique le médecin. « De plus, explique-t-il, il y a une omnipotence des CHRU pendant les études; ils ne savent rien de la réalité de nos métiers, mais ce sont eux qui érigent les règles » s’insurge-t-il.

Écrire sur d'autres sujets

Malgré ses griefs, Henri Lafranque assure que « tout n’est pas en négatif » et il veut croire aussi que son témoignage n’est pas marginal dans la profession, lui qui avouait s’être récemment beaucoup retrouvé dans certains propos de Martin Winckler. « Une de mes patientes a offert le livre à son oncle généraliste qui a dit « enfin quelqu’un qui a mis sur le papier tout ce que je pensais depuis des années ». En dehors de celle-ci, les réactions ont surtout été celles des patients : « certains se sont reconnus dans certaines anecdotes, quelques-uns sont sûrs d’y être alors qu’ils n’y sont pas du tout et inversement », mais les réactions négatives directes ont été très rares.

Toujours installé au même endroit, il étudie aujourd’hui la possibilité de créer une maison de santé avec son confrère. Du côté de l’écriture, après ce premier ouvrage le Dr Lafranque ne souhaite pas se pencher à nouveau sur la médecine. Malgré tout cette expérience lui a permis d’apprendre à écrire et il est davantage attiré par la fiction : « peut-être un livre pour enfant. C’est mon côté grand-père qui ressort ».

Henri Lafranque, Docteur, si j'ai besoin serez-vous là ?, Flammarion, 217 pages, 17 euros

Amandine Le Blanc

Source : lequotidiendumedecin.fr