Les centres du sommeil : passer les troubles au crible fin et affiner leur prise en charge

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Publié le 21/03/2019
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centre sommeil

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Crédit photo : PHANIE

Autrefois « auxiliaires » des services de neurologie et de pneumologie, les centres d'évaluation et de traitement des pathologies du sommeil sont désormais des lieux où s'exerce une spécialité à part entière très pluridisciplinaire. Il existe d'ailleurs une Formation de Spécialité Transversale (FST) de sommeil, qui implique pour 10 spécialités deux semestres passés en centre spécialisé, en lieu et place du stage de 15 jours de l’ancien diplôme universitaire sur les pathologies du sommeil.

Pour le Pr Isabelle Arnulf, du service des pathologies du sommeil de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) de tels services « se consacraient autrefois à l'exploration fonctionnelle, et disposent maintenant de véritables lits d'hospitalisation pour faire de la clinique, détaille-t-elle. Ce ne sont d'ailleurs plus des manips radio qui s'occupent des malades mais des infirmiers ». Son service, le plus grand de France, accueille 7 000 consultations par an, et plus de 7 500 hospitalisations.

Pour quels patients ?

De tels centres de CHU accueillent 3 grandes catégories de troubles : les insomnies atypiques, les hypersomnolences et les violences nocturnes. Ils sont toutefois prévus pour traiter les troubles les plus graves et atypiques. « Les collègues de ville sont largement en mesure de réaliser des examens polygraphiques pour l'apnée du sommeil simple, explique le Pr Arnulf, mais on reçoit encore beaucoup trop de demandes de généralistes pour des sevrages de Stilnox, alors que notre délai d'attente est d'un an et que nous recevons environ 200 demandes par semaine. De plus, l’avis d’un psychiatre libéral est crucial avant d’envoyer un insomniaque en CHU », prévient-elle.

« Un conseil à donner aux médecins généralistes, ajoute le Dr Nicolas Carpentier, du centre de Médecine et de Recherche sur le Sommeil du CHRU de Nancy, serait de nous envoyer les patients dont les insomnies ne s'expliquent pas par l’environnement, une pathologie psychiatrique, ou qui sont résistantes aux traitements. » Pour ce qui est du versant neurologique, les pathologies simples comme les jambes sans repos relèvent de la neurologie de ville. « Ce sont eux qui nous envoient, ensuite, les cas atypiques », ajoute le Pr Arnulf.

La prise en charge comprend systématiquement une polysomnographie nocturne, ainsi que des tests qui dépendent de la plainte d'origine : test itératif de latence d’endormissement en enregistrement de 48 h pour les hypersomnies, dosage d'hypocrétine pour les narcolepsies de type 1. Les approches sont pluridisciplinaires : par exemple, les patients apnéiques ne supportant pas le masque de la pression positive continue se voient proposer, dans un premier temps, un meilleur réglage de leur PPC, puis d'autres solutions qui vont des séances d'hypnose sous masque aux traitements par orthèse et, dans de rares cas, une intervention chirurgicale (avancée mandibulo-maxillaire ou chirurgie de stimulation du nerf hypoglosse).

Au CHRU de Nancy, le Dr Carpentier traite aussi sur les troubles du sommeil associés aux traitements d'affections longue durée comme le cancer. « Nous essayons de travailler sur l'aménagement des traitements pour réduire leur impact », précise-t-il.

Les parasomnies, sources de blessure et d'errance

Les parasomnies, c’est-à-dire les comportements violents surgissant au cours du sommeil, attirent particulièrement l'attention des spécialistes. « Quand ils surviennent en sommeil paradoxal, dans la majorité des cas, il s'agit d'un signe précurseur connu de la maladie de Parkinson, qui se déclare dans les 5 ans chez la moitié d'entre eux » insiste le Dr Carpentier. Ces dernières nécessitent deux nuits d'observation car elles ne sont pas systématiques, et il faut pouvoir faire un diagnostic différentiel vis-à-vis des deux autres causes de parasomnies : les parasomnies du sommeil lent profond et les épilepsies nocturnes.

« Les parasomnies de sommeil lent profond (somnambulisme, terreurs) se caractérisent parfois par des comportements sexuels amnésiques ou des blessures auto infligées, précise le Pr Arnulf. Les parasomnies font souvent l'objet d'une errance diagnostique » ajoute-t-elle.

Développement futur

Les centres de médecine du sommeil montent également des cohortes et mènent des programmes de recherche sur le « pré-Parkinson » et autour du développement du suivi en ambulatoire via des montres ou même des pyjamas connectés.

Au CHRU de Nancy, la relation entre troubles du sommeil et sévérité de l'épilepsie est aux cœurs du travail de recherche mené par le Dr Carpentier « Nous nous posons la question de savoir si, en améliorant la qualité du sommeil, nous réduisons les besoins en traitement et la fréquence des crises, » explique-t-il.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9734