D ANS cet espace, nous nous étions juré de ne pas écrire un mot sur Loft Story, tant nous avions le sentiment qu'en parler, comme l'ont fait de prestigieux journaux qui n'ont pas craindre de mettre le sujet plusieurs fois en première page et même en manchette, revenait à accroître la curiosité nationale pour cette émission.
De sorte que plus on critique M6, la chaîne qui diffuse ce programme, et plus on lui amène de l'audience. Nous n'avons pas voulu entrer dans ce jeu somme toute hypocrite puisque non seulement M6 a gagné des téléspectateurs mais que la presse écrite a gagné des lecteurs.
Il nous semblait plus sage de n'en rien dire. Il y a assez de sujets qui méritent d'être traités ; celui-là, qui passionne la France, se serait éteint de lui-même si on n'en avait pas une affaire d'éthique, de société, de politique et si tout ce qui s'exprime en France, depuis le gouvernement jusqu'à l'homme de la rue, ne lui avait accordé une importance démesurée.
A ce jour, l'auteur de ces lignes n'a jamais regardé Loft Story. Il ne peut donc rien en dire, ni en bien ni en mal, et cette sélectivité dans le choix de ses programmes le prémunissait contre toute tentation de commenter l'émission. Mais on n'est rien face à une déferlante médiatique qui emporte les résolutions les plus solides. Tandis que nous regardions sagement un journal télévisé, nous vîmes tout à coup des manifestants qui s'en prenaient physiquement au local où le programme est filmé, y déposaient des ordures et criaient aux jeunes gens et jeunes filles enfermés des formules libératoires.
Voilà donc que, après avoir jugé a priori que nous devions traiter l'affaire par le mépris, nous sommes presque contraints de prendre la défense de M6. Nous avions déjà été choqués par un article de Patrick Le Lay, P-DG de TF1, qui s'en prend à M6 au nom de « l'éthique », avec l'hypocrisie de celui qui ne balaie pas devant sa porte. Cette fâcheuse initiative, forgée au coin de l'Audimat et de la peur de la concurrence (à cynique, cynique et demi), avait provoqué en nous une montée d'adrénaline où l'on aurait trouvé des traces d'une sorte de sympathie inavouable pour la petite chaîne qui monte, un intérêt charitable pour le challenger, une forme d'engagement en faveur de l'outsider.
Mais ensuite, il y a eu pire. Il y a eu ces éternels donneurs de leçon que les règles de la démocratie laissent toujours en manque. Devant M6 ou aux conférences internationales, on les voit inévitablement, noyautés par des adeptes de la violence et prêts à en découdre avec les forces de l'ordre. Peu leur chaut que les participants à l'émission soient des adultes qui savent à quoi ils s'exposent ; peu leur importe que le public, en France et en 2001, peut regarder les émissions qu'il veut ; il faut qu'ils dictent, en toute circonstance, leur comportement au peuple. Il faut qu'ils lui disent, eux qui sont certainement plus éclairés que lui, ce qu'il doit faire ; il faut qu'ils changent ce qui leur déplaît, même s'il y a une majorité qui souhaite le contraire. Il faut qu'ils cassent, qu'ils injurient, qu'ils agressent. De McDonald à M6 en passant par Québec, ce sont nos nouveaux maîtres à penser, nos directeurs de conscience, de petits dictateurs philosophiques : leur message, ils le font passer par les moyens de la violence. Il y a un mot pour les décrire : ce sont des fascistes.
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