UN NOUVEAU spectacle du théâtre du Soleil est toujours un événement. On l’attend, on l’imagine. On espère, on découvre. Le plus souvent on y retourne, car un spectacle d’Ariane Mnouchkine est en perpétuelle transformation. Les représentations viennent de commencer. On sait que le spectacle va évoluer, se transformer, sans doute se resserrer. Ariane Mnouchkine est partie d’un roman posthume de Jules Verne (1828-1905), « En Magellanie » (10/18, 8 euros). Hélène Cixous, qui a « mi-écrit », comme il est dit dans le programme, et la troupe, puisqu’il s’agit d’une création collective, balayent bien au-delà d’une aventure de bateau dans les glaces et les terres de Patagonie. Les thèmes se croisent : le début du cinéma, le rêve du socialisme, les colonisations, la guerre de 1914 et ses ferments. On remonte jusqu’au meurtre de Rodolphe de Habsbourg et de sa maîtresse Maria Vetsera, à Mayerling.
L’essentiel de la matière spectaculaire est le tournage d’un film muet dans un studio qui est le grenier d’une guinguette des bords de Marne, Le Fol espoir. Le patron, un petit homme passionné par cet art naissant (Ève Doe-Bruce, travestie), prête son grenier et son personnel à une équipe, un frère, Jean LaPalette (Maurice Durozier) et sa sur Gabrielle (Juliana Carneiro da Cunha), qui est l’opératrice de ce long métrage. Avec eux, leur ami d’enfance Tommaso (Duccio Bellugi-Vannuccini, qui joue bien d’autres rôles, dont celui de Darwin).
Côté cour, il y a une verrière. Jean-Jacques Lemêtre est là, qui a conçu une bande-son omniprésente, musique très épique qui va jusqu’à Wagner, et une excellente narratrice (Shaghayegh Beheshti) qui suit le double récit : celui du scénario et celui du tournage. Une trentaine d’interprètes servent le propos romanesque, retrouvant les manières des débuts du cinéma. Le spectacle est en partie muet : les artistes miment leurs partitions et des surtitres tiennent lieu de « cartons ». Un exercice de plus pour une troupe qui sait absolument tout faire.
Cela ne se raconte pas, « les Naufragés du Fol Espoir ». Cela fascine la jeunesse, qui découvre un cinéma à la Méliès et des truquages dont « Avatar » est l’héritier logique ! Parfois, vers la fin, quand les propos idéalistes des pionniers qui se demandent ce qu’ils feront de la terre sur laquelle le naufrage les oblige à vivre (pour résumer abruptement) achoppent sur la cruelle réalité, les « surtitres » sont un peu trop longs. Il ne faut pas que l’on ne fasse que lire…C’est la difficulté. Car l’art du théâtre est ici d’une délicatesse infinie, tout traduit un travail profond, fertile, un travail de troupe sous le regard d’une artiste immense qui cite subtilement quelques grandes scènes des « incunables » du 7 e art, tel Griffith, un travail fait pour le public, généreux, fraternel.
Théâtre du Soleil à la Cartoucherie de Vincennes (tél. 01.43.74.88.50, www.theatre-du-soleil.fr), à 19 h 30 mercredi, jeudi, vendredi, à 14 h 30 et 20 heures le samedi, à 13 heures le dimanche. Durée : 4 heures, entracte compris.
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