Épinglés par la Cour des comptes

Les neuf hôpitaux militaires contraints de se restructurer

Publié le 14/04/2010
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Crédit photo : S. toubon/« le quotidien »

LES HÔPITAUX militaires se seraient volontiers passés de cette fâcheuse publicité. « Le Monde », dans son édition du 8 avril, leur décerne la palme du premier déficit hospitalier de France, extraits d’un rapport confidentiel de la Cour des comptes à l’appui.

Ce constat cinglant signerait-il la fin du statut à part dont bénéficient depuis trois siècles les hôpitaux militaires, les seuls à échapper au contrôle du ministère de la Santé ? Sous la coupe de la Défense, ces neuf établissements dépensent 50 % du budget annuel du service de santé des armées, soit, à la louche, 800 millions d’euros. La Cour des comptes évoque un déficit cumulé de 310 millions d’euros en 2008. Faux, rétorque le service de santé des armées, qui parle d’un déficit de 70 millions d’euros. En se justifiant de la sorte : « La comparaison avec les hôpitaux publics est hasardeuse, car les hôpitaux militaires ont une double mission, civile et militaire, et un financement mixte, assurance-maladie (416 millions d’euros) et ministère de la Défense, expose le sous-directeur « hôpitaux » à la direction centrale du service de santé des armées, le médecin général inspecteur Christian Bouat . Quand des médecins partent en opération extérieure, c’est autant de recettes en moins pour nos hôpitaux financés à l’activité depuis 2009. »

Un autre désaccord porte sur l’activité médicale des hôpitaux militaires. La Cour des comptes dénonce une sous productivité, avec un taux d’occupation des lits de 52 %. Ce dermatologue militaire est sceptique. « Il faut corriger ces chiffres, on n’a pas le sentiment d’être sous actifs ! » Pour les commentaires officiels, une seule voix, celle du service de santé des armées. Qui a mouliné ses propres chiffres, et parvient à 62 % de lits occupés. Le taux reste faible. Le médecin général inspecteur Christian Bouat avance un argument démographique : « Nous avons un déficit infirmier et médical, ce qui limite l’ouverture des lits. Il nous manque 20 % d’anesthésistes-réanimateurs et de radiologues. Nos appareils d’imagerie sont sous utilisés en raison de cette pénurie. »

En attendant que la relève du numerus clausus des écoles du service de santé des armées porte ses fruits, les hôpitaux militaires recourent aux médecins contractuels pour boucher les trous (12,5 % de leurs effectifs médicaux). Les contractuels récupèrent un grade et un solde, le même que les titulaires. Peu attractif : 4 100 euros net hors prime de garde pour un chef de clinique, 5 500 euros pour celui qui totalise 15 ans de service. Sans secteur privé ni dépassements d’honoraires. En pleine guerre du recrutement médical, les hôpitaux militaires apparaissent chichement armés pour affronter la concurrence. Même si le discours officiel consiste à ne pas faire de vague. « Il ne m’appartient pas de dire si nos médecins sont assez payés ou pas », élude Christian Bouat.

Jusqu’alors, les hôpitaux militaires ont échappé au vent national des réformes hospitalières. Ils ne rentrent pas dans le cadre des schémas régionaux de l’organisation sanitaire. La mise en place des agences régionales de santé ne les concerne pas, pas plus que les coopérations hospitalières de territoire, ou les groupements de coopération sanitaire. Pourtant, ces établissement participent activement aux missions de service public – permanence des soins, recherche, enseignement, etc. La majorité (85 %) des patients hospitalisés au Val-de-Grâce, à Percy et dans les sept autres sites, sont des civils.

L’assurance-maladie pourrait être tentée de réclamer des comptes sur la gestion des hôpitaux militaires. Pour faire taire la critique, un plan d’action a été mis sur pied par le service de santé des armées. Avec une réduction du personnel administratif au profit des équipes soignantes, une réduction du nombre de lits (passé de 3 200 à 2 700), assorties d’une réorganisation des neuf hôpitaux avec repérage des services les plus performants, et adaptation de la ressource médicale aux besoins.

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8750