Risque de démédicalisation de la filière visuelle

Les ophtalmologistes voient d’un mauvais œil la reconnaissance des optométristes

Publié le 16/05/2013
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Crédit photo : S Toubon

LE DÉPUTÉ socialiste Gérard Bapt déposera prochainement une proposition de loi visant à reconnaître l’optométrie en France. Le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) se déclare très circonspect à l’égard de ce projet. Il y voit le risque d’une « démédicalisation de la filière visuelle au péril de la santé des Français », ainsi que d’une confusion des genres entre la prescription et la vente.

Si la proposition de loi aboutissait, les optométristes pourraient procéder à des examens de vision, détecter

les « états oculaires anormaux » ou encore faire l’adaptation des lentilles de contact.

Les optométristes sont des opticiens, pas des médecins, insiste le SNOF. Le syndicat cite le cas d’un patient s’étant fait faire de nouvelles lunettes par son opticien, évitant une consultation d’ophtalmologie. Il a perdu un œil, ne s’étant pas fait dépister à temps un mélanome. Telle patiente a été équipée de lentilles alors qu’elle était porteuse d’implants de chambre antérieure. La patiente a dû être réopérée, et risque d’avoir besoin à terme d’une greffe de cornée. « Attention à l’optométrie, avertit le SNOF, à chacun son métier ».

Démographie déclinante.

Le SNOF dresse cependant un tableau alarmiste de la démographie médicale déclinante des ophtalmos. C’est justement la raison pour laquelle les optométristes marquent des points dans leur quête de reconnaissance. « La population vieillit et les besoins en ophtalmologie vont augmenter de 30 % d’ici à 2025, prévient le Dr Jean-Bernard Rottier, président du SNOF, et parallèlement, le nombre de praticiens va baisser de 30 % d’ici là. Nous sommes pris en tenaille ».

En moyenne, 240 ophtalmologistes partent à la retraite chaque année, alors qu’en 2013, seuls 123 internes seront formés à cette spécialité. Le SNOF prédit donc qu’en 2025, 50 % des actes d’ophtalmologie ne pourront être honorés, si des mesures ne sont pas prises.

Protocoles avec les orthoptistes.

Le syndicat suggère de « maintenir une expertise médicale de qualité, tout en optimisant la chaîne de soins oculaires », grâce à un partenariat renforcé avec des orthoptistes travaillant sous la responsabilité des médecins. L’objectif est ambitieux : passer à 220 actes par semaine et par cabinet, contre 127 en moyenne aujourd’hui.

Dans les Pays-de-la-Loire, trois protocoles de coopération ont déjà été validés par la HAS. L’un concerne des bilans visuels réalisés par un orthoptiste dans le cadre du renouvellement ou de l’adaptation des corrections optiques chez les enfants de 6 à 15 ans ; un autre sur le même bilan visuel chez les adultes de 16 à 50 ans ; et le dernier sur le dépistage de la rétinopathie chez les personnes diabétiques, prévoyant des clichés pris par un orthoptiste et l’interprétation des données réalisées par un le médecin.

Selon le SNOF, ces trois protocoles ont déjà été expérimentés dans un cabinet de Bourgogne. Les délais d’attente pour un rendez-vous sont passés de 6 mois à 10 jours, et trois emplois ont été créés, « sans surcoût pour les patients ».

 H.S.R.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9242