ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
O N les dit filles du dieu de la guerre Arès et de la nymphe des forêts Harmonie, et parfois même d'Aphrodite. Ce sont des femmes guerrières, cavalières émérites et célibataires farouches, qui sèment la terreur. Splendidement parées, elles s'opposent aux plus vaillants héros qui les affrontent, d'Héraklès à Thésée et Achille.
La littérature antique est pleine du bruit de leurs exploits, de leur vaillance, voire de leur cruauté. Dans la réalité, il s'agirait de guerrières de tribus nomades des steppes de l'Eurasie, dans lesquelles les tâches indispensables à la survie du groupe (responsabilité du troupeau, chasses, défense du campement ou conquêtes armée de nouveaux territoires) étaient assurées par l'un ou l'autre sexe, sans préjugé. Une société égalitaire dont l'histoire est intimement mêlée à ce littoral qui voit l'Asie et l'Europe se faire face. Limites extrêmes d'une Grèce qui se croit le centre du monde, d'une Asie dont c'est le terme de la chevauchée.
Dès lors, la fixation fatale de ces deux courants, de ces deux élans, va sécréter une production artistique étroitement liée au mode de vie d'un peuple où le cheval est roi et où la différence sexuelle n'entraîne pas une distinction des tâches.
C'est au coeur d'une légende qui a continûment alimenté l'art et la littérature que surgissent des objets arrachés au sol à cette frontière fragile entre la Russie et le Kazakhstan, dans le voisinage de l'embouchure du Don et le rivage oriental de la mer d'Azov. Des objets dont la stupéfiante beauté déplace le concept de « barbarie », largement entretenu dans l'Europe occidentale, qui qualifiait de barbare tout ce qui émane d'au-delà des limites de monde gréco-latin.
Cet art, présenté ici moins comme celui des Amazones (mais il faut garder la couleur de la légende) que comme celui des Sarmates, illustre un moment capital de l'histoire des peuples nomades, confrontés avec la civilisation grecque.
Les Sarmates nouent des liens commerciaux et culturels avec les Grecs du royaume de Bosphore et, bientôt, sous protectorat romain, une tradition culturelle s'instaure, un art se développe. Il transpose dans des matériaux précieux (que d'or que d'or !) un patrimoine animalier qui curieusement resurgira ultérieurement dans le Moyen-Age occidental.
Débarrassé de sa dimension mythique, il ne perd rien de sa réelle et remarquable beauté tant dans l'exécution que dans l'expression de l'imaginaire, dans l'ornementation abondante du cheval comme dans les objets domestiques.
L'art, même réinscrit dans la réalité historique, nous entraîne par son prestige, dans la fascination des mythes qu'il accompagne.
« L'or des Amazones, peuples nomades entre Asie et Europe (6° siècle av. J.-C. - 4° siècle ap. J-.C) ». Musée Cernuschi, 7, avenue Velasquez (parc Monceau) jusqu'au 15 juillet. Tous les jours, sauf les lundis et jours fériés. Entrée 35 F.
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