Sclérose en plaques

Les traitements arrivent dans les formes progressives

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Publié le 18/12/2017
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sclerose en plaques

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Crédit photo : PHANIE

« Dans la sclérose en plaque (SEP), la recherche thérapeutique suit trois axes principaux : prévenir la démyélinisation (immunomodulateurs, immunodépresseurs), remyéliniser (remyélinisants), protéger les neurones démyélinisés (neuroprotecteurs) », explique le Dr Caroline Papeix*, neurologue, responsable de la recherche clinique sur la sclérose en plaques à l'Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM), à la Pitié-Salpétrière (Paris).

Aujourd’hui les seuls traitements disponibles sont les anti-inflammatoires. Si en 2014 les modalités d’administration des immunomodulateurs/suppresseurs se sont allégées dans les formes à poussées, avec la voie per os (tecfidera, aubagio) et les injections espacées (interféron bêta pégylé à 1 injection/15 jours, copaxone à 3 injections/semaine)… les innovations arrivent.

Innovations tous azimuts

Dans les formes évoluant par poussées (rémittentes), des médicaments viennent d’obtenir l’AMM européenne (non encore utilisables en France) : la cladribine dans les formes actives de SEP (mavenclad) ; l’ocrelizumab à tous les niveaux de sévérité (ocrevus, immunosuppresseur anti-CD20, version humanisée du rituximab) pourrait être disponible au début 2019. Leur balance bénéfice risque est positive, leur administration séquentielle apporte du confort. Dans les formes primaires progressives évoluant depuis moins de 15 ans (phase inflammatoire, sujet jeune) l’ocrelizumab est aussi efficace. Cet anti-CD20 se fixe sur les lymphocytes B et les élimine de la circulation périphérique (les empêchant d’aller démyéliniser dans le système nerveux central). Il est donc efficace au stade d’inflammation périphérique, dans les poussées inflammatoires des formes rémittentes et en début de forme progressive. Dans les formes secondairement progressives, un immunosuppresseur est en développement, le siponimod. Dans les formes progressives primaires ou secondaires, la biotine ou vitamine B8 (Qizemday) est actuellement en ATU en France à très forte dose (300 mg/j). Cette vitamine a montré (1) dans un premier essai d’évaluation ambitieux sur plus de 2 ans versus placebo sa capacité à faire récupérer certains malades (13 % remarchent) avec un traitement bien toléré. Une deuxième étude multicentrique se dessine (Amérique nord, Europe), plus longue et avec plus de patients pour voir si ces résultats se confirment. Cette co-enzyme mitochondriale favorise la néoglucogénèse, augmente les réserves énergétiques des neurones et pourrait favoriser la remyélinisation en stimulant les oligodendrocytes (qui produisent la myéline). Ce mécanisme d’action différent fait qu’elle peut être ajoutée aux autres traitements.

Les remyélinisants

« Plusieurs molécules remyélinisantes intéressantes ont passé le cap de l’expérimentation humaine et sont en phase 2 ou 3. C’est une réelle avancée », précise le Dr Papeix. La clémastine-fumarate, devrait poursuivre son évaluation au vu des résultats prometteurs d’un premier essai aux USA (2). Cet essai (ReBUILD) unicentrique, randomisé, en double aveugle clemastine fumarate (5,6 mg 2 x/jour) vs placebo en cross over a en effet montré chez 50 patients la capacité de la clemastine fumarate à réduire sur les potentiels évoqués visuels, le délai de latence du P100 de 1,7 ms/œil (95 % CI 0,5–2,9; p = 0,0048). « La clémastine fumarate, est un antihistaminique en vente libre aux USA. Cette combinaison qui pourrait agir par le biais de l’effet anti-muscarinique du fumarate, n’est pas disponible et n’a pas d’équivalent en France. N’importe quel antihistaminique ne fait pas l’affaire, il peut être utile d’en informer les patients », avertit le Dr Papeix. L’opicinumab est une nouvelle molécule en cours d’évaluation chez l’homme. C’est un anticorps monoclonal dirigé contre le LINGO1 qui est connu pour inhiber la maturation des oligodendrocytes, cellule productrice myéline. Par cette action anti LINGO1, l’opicinumab pourrait favoriser la remyélinisation.

Recherche fondamentale et autres traitements

La clinique (poussées, aggravation du handicap) et l’imagerie permettent d’évaluer l’efficacité des traitements. L’IRM est pertinente pour les anti-inflammatoires, pas pour les remyélinisants. D’où l’intérêt en recherche fondamentale du TEP-scann (couplé à un traceur développé à l’ICM en partenariat avec le CEA) pour repérer la remyélinisation à l’échelle du voxel (pixel en 3D) et identifier des populations selon leur vitesse de remyélinisation (lente ou rapide). Quant aux résultats intéressants (3) de la greffe de cellules souches hématopoiétiques (qui consiste après immunodépression profonde à réinjecter le sang du patient préalablement déplété en lymphocytes), ils confirment qu’une immunodépression profonde améliore les phases inflammatoires, y compris progressives. « Ces greffes ne sont pas réalisées en France. Les risques de décès doivent être pesés », invite à retenir le Dr Papeix.

* Auteur de livres sur la SEP pour les patients « S’informer pour mieux se soigner » et « Les nouveaux traitements » (Ed. Odile Jacob)

(1) Tourbah, A et al., Mult. Scler., 2016 vol. 22(13) pp. 1719-1731

(2) Green AJ et al., Lancet 2017

(3) Muraro PA et al, JAMA 2017vol. 74(4):459-469.

Dr Sophie Parienté
SEP

Source : Le Quotidien du médecin: 9628