Ostéoporose

Les traitements de l’avenir

Publié le 11/12/2014
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De nouveaux médicaments sont développés avec de nouveaux mécanismes d'action

De nouveaux médicaments sont développés avec de nouveaux mécanismes d'action
Crédit photo : PHANIE

L’odanacatib est un inhibiteur de la cathepsine K, enzyme clé de la résorption osseuse, spécifique de l’ostéoclaste et nécessaire à son activité de résorption de la matrice protéique. Il a pour particularité, démontrée dès les premières études, de préserver un nombre normal d’ostéoclastes et de ne pas induire une diminution secondaire de l’ostéoformation. Des études préliminaires de phase 2 avaient déjà montré, à 5 ans, un gain densitométrique net à tous les sites et surtout un effet de découplage des marqueurs du remodelage osseux (baisse de CTX sérique d’environ 55 % avec un relatif maintien des marqueurs de formation osseuse).

Mc Clung et al. ont rapporté les résultats de l’efficacité antifracturaire de l’odanacatib dans l’ostéoporose post-ménopausique évalués dans l’étude Long-Term Odanacatib Fracture Trial (LOFT), étude de phase 3 en double aveugle, odanacatib 50 mg per os par semaine versus placebo. Le critère principal d’efficacité était la survenue de fractures vertébrales morphométriques, de fractures de hanche et de fractures cliniques non vertébrales. L’analyse de l’essai a été réalisée après la survenue de 70 % des fractures attendues. Ainsi, à 60 mois, les fractures vertébrales radiographiques sont réduites de 54 % (p ‹ 0,001) et les fractures vertébrales cliniques de 72 % (p ‹ 0,001). Les fractures non vertébrales sont diminuées de 23 % (p ‹ 0,001). Il n’a pas été noté de différence significative entre les deux groupes pour les événements indésirables, alors qu’un focus a été réalisé pour les lésions cutanées de type morphées et les atteintes respiratoires. Il n’y a pas de différence statistiquement significative pour les fibrillations auriculaires, les ostéonécroses de mâchoires, les fractures atypiques et les délais de consolidation des fractures.

Un autre essai randomisé de phase 3 en double aveugle (1) a évalué les résultats de l’odanacatib 50 mg per os par semaine versus placebo pendant 24 mois, chez des hommes ostéoporotiques de plus de 40 ans. Le critère principal était les variations de densitométrie au rachis lombaire. Un gain de 6,9 % par rapport à l’inclusion a été enregistré sous odanacatib avec une différence de 5,6 % par rapport au placebo (p ‹ 0,001).

Les données d’efficacité de l’odanacatib sont donc très encourageantes chez la femme et chez l’homme.

Données à deux ans du romosozumab

Mc Clung et al. (2) ont rapporté les données à deux ans d’un anticorps antisclérostine ou romosozumab qui avait démontré une augmentation de la DMO et des marqueurs de formation avec diminution des marqueurs de résorption chez des femmes ménopausées à DMO basse (3). Le romosozumab (210 mg sc/mois), induit une augmentation dose dépendante de la DMO pendant la première année avec poursuite pendant la deuxième année, atteignant +15,7 % au rachis, +6 % à la hanche totale. Le romosozumab provoque également une stimulation rapide, mais transitoire de la formation osseuse (retour au niveau préthérapeutique entre le 6e et le 12e mois des P1NP) avec diminution de la résorption osseuse (CTX). Dans cette étude, le relais en phase d’extension a été effectué soit par placebo, soit par denosumab 60 mg/6 mois. Le relais par denosumab poursuit le gain de DMO à un rythme similaire à celui observé pendant la deuxième année de romosozumab, alors que sous placebo, la DMO baisse au niveau préthérapeutique. Le romosozumab est bien toléré en dehors des réactions aux types d’injection, le plus souvent légères.

Enfin, l’équipe de Benson et al. (4) s’est intéressée à l’évolution de la DMO à l’arrêt d’un autre anticorps antisclérostine ou blosozumab, anticorps monoclonal humanisé dont l’efficacité densitométrique et la tolérance ont déjà été démontrées dans une étude de phase 2. Dans l’étude de Benson les données de suivi sans traitement à 52 semaines montrent à l’arrêt du blosozumab, une diminution de la DMO pour tous les dosages. La DMO reste toutefois significativement supérieure à celle du placebo à tous les sites pour la dose de 270 mg/2 semaines et au rachis ainsi qu’à la hanche totale pour la dose de 180 mg/2 semaines. Les effets indésirables ont été similaires pour tous les groupes, sans relation avec le traitement.

Il est très important de continuer d’élargir notre choix en développant de nouveaux médicaments, avec de nouveaux mécanismes d’action. C’est le cas pour l’odanacatib dont les données, très attendues, de l’essai LOFT confirment l’efficacité sur la prévention des fractures. La base de données de l’étude a même été fermée prématurément par le comité de suivi car l’efficacité était jugée assez robuste et le bénéfice/risque suffisamment favorable alors que 70 % seulement de la cible des événements fracturaires était atteinte.

Une première dans les essais sur l’ostéoporose !

Cet enthousiasme doit toutefois être un peu tempéré par l’amplitude de l’efficacité, qui ne dépasse pas celle des médicaments déjà disponibles : un espoir était né à la suite de données préliminaires suggérant une petite action anabolique de cette molécule. Il n’en est rien, c’est seulement un anti-ostéoclastique, mais un anti-ostéoclastique de plus… L’efficacité est aussi présente dans une étude complémentaire dans l’ostéoporose masculine, ce qui étend son champ potentiel d’application. Attendons encore plus de précisions sur les effets secondaires à long terme ; le recul est pour le moment insuffisant et ce paramètre de tolérance sera bien sûr regardé à la loupe par nos autorités réglementaires au moment de la demande d’enregistrement…

(1) Orwoll et al, abstract 1149

(2) Abstract 1152

(3) Mc Clung NEJM 2014

(4) abstract 1151

Pr Philippe Orcel

Source : Congrès spécialiste