Bien que la grande majorité de femmes guérît désormais du cancer du sein, « on estime que deux patientes sur 10 vont décéder de ce cancer », indique le Dr Suzette Delaloge, oncologue à Gustave Roussy à Villejuif, en région parisienne. Il est donc impératif, selon elle, de mieux identifier ces cancers et de mieux cibler leur traitement.
La classification phénotypique des cancers du sein (HER2 + ; triple négatifs ; luminaux A et luminaux B), disponible depuis une quinzaine d’années, permet désormais d’opter pour des traitements plus ciblés. Pour les cancers HER2 + « des progrès majeurs ont été faits, notamment avec les anti-HER2 qui ciblent les voies de signalisation HER2, et de nombreux traitements devraient changer la donne dans les années à venir, indique le Dr Delaloge. Les taux de guérison sont désormais extrêmement élevés en situation localisée et en situation métastatique, l’espérance de vie a considérablement augmenté ».
Pour les cancers luminaux, localisés ou métastatiques, « l’une des idées majeures est de remplacer la chimiothérapie par des traitements ciblés, notamment du cycle cellulaire [anti-CDK4/6 type palbociclib, ribociclib] », souligne l’oncologue. Pour les cancers triple négatifs, les pistes de traitement concernent principalement la prolifération de l’ADN et la réparation de l’ADN anormal. « Chez les femmes ayant un cancer métastasé, porteuses d’une mutation BRCA1 ou 2, il existe des traitements très efficaces, les inhibiteurs de la PARP, ciblant la voie de réparation de l’ADN, précise la chercheuse. Le développement de ces nouveaux traitements est en train d’avancer vers de la prévention en situation adjuvante, voire au-delà », ajoute-t-elle. Enfin, certains traitements par immunothérapie [anti-PD1/anti-PDL1] semblent efficaces dans certains cancers du sein. »
Amélioration de la survie
Reste le problème des cancers métastatiques. « Aujourd’hui, on ne sait pas guérir les patientes », souligne le Dr Delaloge. L’idée est donc de prolonger la survie globale de ces femmes tout en améliorant leur qualité de vie.
D’après les données de la cohorte ESME (1), chez les femmes atteintes d’un cancer du sein métastatiques HER2 + l’arrivée de nouveaux traitements a permis d’augmenter l’espérance de vie médiane de 39 à 60 mois en 10 ans. Les premières données issues de l’étude PALOMA 3 (combinaison fulvestrant +/- palbociclib en 2e ligne chez des patients luminaux) montrent, elles, que « les anti-CDK4/6 doublent l’efficacité du traitement en situation de métastase, et qu’il y a probablement également un impact sur l’espérance de vie», ajoute l’oncologue. Par ailleurs, les premières données de l’étude de phase 3 SOLAR-1 présentées à l’occasion du congrès ESMO (European society for medical oncology) 2018, indiquaient que, pour les femmes ayant un cancer luminal, porteuses d’une mutation du gène de la PI3 kinase (mutation PI3KCA), « l’ajout d’un inhibiteur de la PI3 kinase, l’alpelisib, double l’efficacité du traitement classique, le fulvestrant », note le Dr Delaloge.
D’autres données préliminaires présentées au congrès ESMO 2018 montrent que, dans un sous-groupe de femmes ayant un cancer du sein triple négatif au stade avancé et dont la tumeur exprimait PD-L1, la survie sans progression et la survie globale médiane étaient meilleures avec une combinaison chimiothérapie + immunothérapie (nab-paclitaxel + atézolizumab) versus chimiothérapie seule (nab-paclitaxel).
Pour les cancers luminaux ou triple négatifs avec mutation germinale BRCA1/2, deux études, EMBRACA (2) et olympiAD, montrent un effet très important des inhibiteurs de PARP (talazoparib et olaparib), versus une chimiothérapie (capécitabine, éribuline, gemcitabine ou vinorelbine), « avec, en plus, un impact sur la qualité de vie très positif », conclut le Dr Delaloge.
(1) S. Delaloge et al, ASCO 2017 ; Gobbini et al., JC 2018
(2) N. C. Turner et al., NEJM, DOI: 10.1056/NEJMoa1810527, 2018
(3) J. K. Litton et al. NEJM, DOI: 10.1056/NEJMoa1802905, 2018
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