REFERENCE
• Début fréquent : mono- ou oligoarthrites à radios normales
Le rhumatologue voit souvent le patient avant le dermatologue. L'articulation le plus souvent touchée est le genou puis, par ordre de fréquence, la cheville, le poignet, les doigts, les orteils et enfin la hanche.
Le diagnostic est évoqué devant des mono- ou oligoarthrites, fixes, avec forte réaction inflammatoire, guérison sans séquelles en quelques jours, généralement avant trois mois, avec clichés normaux ou lésions mineures radiologiques. Les relations avec le groupe des spondylarthropathies ont été discutées, les formes HLA B27 positives présentant des extensions rachidiennes.
• Route de la soie et Afrique du Nord
Le profil du « patient type » a ses exceptions. La maladie de Behçet est décrite comme « une maladie du sujet jeune de sexe masculin d'apparition sporadique », mais les formes mineures sont fréquemment féminines. Les formes familiales (de 2 à 12 % selon les séries) sont possibles. Certains cas touchant l'enfant sont sévères.
Cette pathologie est plus fréquente au Japon, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, mais elle est également sporadique et ubiquitaire. Une enquête nationale (1989) a retrouvé 90 cas autochtones en France, avec une prédominance en Savoie et dans la région de Bordeaux, rappelle le Pr H. Roux (Marseille). « En fait, une recherche orientée dans les services de médecine interne recenserait sûrement d'autres cas », insiste le Pr R. Trèves (Limoges).
• Quatre critères majeurs : aphtose buccale, ulcérations génitales, uvéite, atteinte cutanée
( Cf. Critères de Mason et Barnes,1969, et de l'International Study Group,1990)
L'aphtose buccale est retrouvée dans 98 % des cas sous forme d'ulcérations douloureuses (à l'opposé du syndrome de Reiter, indolore), uniques ou multiples de la face interne des joues, du sillon gingivolabial, du pourtour et du frein de la langue selon trois types : mineurs, majeurs, herpétiformes. Les ulcérations génitales - sur les bourses, la verge, la vulve, le vagin - guérissent avec des cicatrices. Les manifestations oculaires comprennent : suspension cellulaire dans le vitré, vascularite rétinienne, uvéite antérieure et postérieure, d'où risque de cécité. Des manifestations de vascularite nécrosante, une acné, un érythème noueux sont possibles ; deux atteintes cutanées sont spécifiques : folliculite non centrée par un poil et positivité du Pathergy Test ou hypersensibilité au point de piqûre.
• Lésions polymorphes
La fièvre peut accompagner une poussée ou traduire une atteinte vasculaire, signe de gravité. C'est pourquoi certains proposent la prise en compte de critères vasculaires pour un diagnostic plus précoce (Schirmer, 1999). Parmi les atteintes systémiques artérielles et veineuses sont décrites des formes sévères, voire mortelles, surtout pulmonaires (pleurésies, hémoptysies) et cardiaques (péricardites parfois inaugurales, endocardites, coronaropathies), ainsi que des lésions cérébrales (méningo-encéphalites), gastro-intestinales, rénales.
• Syndrome biologique inflammatoire non spécifique
Aucun critère biologique n'est indispensable ni pathognomonique du diagnostic. Il existe, en général, un syndrome inflammatoire sanguin au cours des poussées, un liquide synovial inflammatoire en cas d'arthrite, une sérologie rhumatoïde négative, des complexes immuns circulants dans 50 % des cas, dont la présence est corrélée à l'activité de la maladie, des anticorps antinucléaires rarement présents, des CPK parfois élevées, ainsi que l'existence d'anticorps anticardiolipine.
• HLA Bw51 et HLA Bw52
« La maladie de Behçet est toujours en quête d'étiologie », souligne le Pr H. Roux . « Des facteurs toxiques, environnementaux, hormonaux ont été évoqués. L'herpès et l'hépatite C représentent des facteurs de risque infectieux prouvés ; le support génétique est connu en partie : HLA Bw51, présent dans 60 à 80 % des cas avec des variations géographiques, HLA Bw52, en Israël. Une plus grande fréquence de HLA B5 dans la population indemne est d'ailleurs constatée dans les zones d'endémie. On retrouve le gène MICA dans les séries japonaises et italiennes. En faveur d'une dysimmunité, l'histologie montre des infiltrats lymphocytaires T au niveau des lésions. Une réponse cellulaire et humorale contre des Heat Shock Proteinsa été mise en évidence. »
• Pronostic sévère
La grossesse n'a pas d'influence et l'évolution se fait par poussées et rémissions. Le pronostic est variable selon les pays ; il est sévère surtout chez l'homme jeune. Après vingt ans d'évolution, 45 % des patients sont décédés de cause vasculaire, nerveuse, ou d'amylose, et 39 % sont aveugles, selon l'enquête de S. Yurda Kühl.
• Interféron et inhibiteurs du TNF alpha
Dans les atteintes bénignes, un traitement symptomatique par topiques locaux, AINS, est proposé au début. Dans les formes cutanéo-muqueuses sont employées la colchicine, la dapsone, la mésalazine. Dans les formes graves (oculaires, nerveuses, vasculaires), on utilise la corticothérapie générale à forte dose, les immunodépresseurs, azathioprine, clorambucil, méthotrexate, ciclosporine, la pentoxifylline, les échanges plasmatiques, voire le thalidomide sous surveillance hospitalière étroite. Les formes thrombosantes nécessitent l'héparinothérapie. Les interférons alpha et gamma semblent très prometteurs, ainsi que, semble-t-il, les inhibiteurs du TNF alpha.
11e Journée niçoise de rhumatologie.
D'après la communication du Pr Hubert Roux (service de rhumatologie, CHU de Marseille).
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