Si « Le Généraliste » était paru en 1924

L’euthanasie en guerre

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Publié le 23/06/2016
Histoire

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Au siège d’Hesdin Ambroise Paré nous raconte le pénible spectacle qui s’offrit à ses yeux après son entrée dans la place forte.

« Estant en ville, écrit-il, j’entrai en une estable pour loger mon cheval et celui de mon homme. Là, je trouvai quatre soldats morts et trois autres qui estaient appuyés contre la muraille, leur face entièrement desfigurée et ne voyaient, n’oyaient, ni ne parlaient. Les regardant en pitié, il survint un vieux soldat qui me demanda s’il y avait moyen de les pouvoir guérir. Je dis que non ! Subit, il approcha d’eux et leur coupa la gorge doucement et sans cholère. Voyant cette grande cruauté, je lui dis qu’il estait un mauvais homme. Il fist responce qu’il priait Dieu que lorsqu’il serait accousté de telle façon qu’il se trouvât quelqu’un qui lui en fist autant afin de ne point anguir misérablement ».

Au cours de la Grande Guerre, l’euthanasie a été trop souvent pratiquée par nos ennemis qui, sous le plus futile prétexte, pénétraient dans les postes de secours comme à Goméry, fusillaient les blessés à bout portant ou incendiaient la maison.

Dans le beau livre du médecin inspecteur Simonin (De Verdun à Mannheim), le docteur Sédillot, témoin oculaire, raconte un de ces actes de sauvagerie qui flétrît à jamais la conscience d’un peuple civilisé, pourtant si fier de sa trop fameuse Kultur.

« La chambre était pleine de fumée ; des coups de feu, des cris horribles, des hurlements affreux, des râles m’indiquent que dans la pièce contiguë, on tue les blessés ; mes hommes tentent de fuir par les fenêtres et les portes ; ce sont des courses éperdues, des coups de crosse, des coups de feu. Les Allemands crient : Noch hein ! Noch hein ! (Encore un ! Encore un !) et ils tirent sans pitié. Comme les soldats, les officiers blessés sautent par les fenêtres et, dans le jardin voisin, se retrouve le médecin-major Maxence de Charrette, deux fois blessé, qui fut fusillé le lendemain parce qu’il n’avait pas le brassard de la Croix-Rouge, et le lieutenant Jannin, ampute le matin, dont le moignon s’est fixé en terre. Les rues du village sont remplies de cadavres : un des morts est en chemise avec une gouttière appliquée à chaque membre. Les murs du cimetière servent de poteau d’exécution ; aussi des monceaux de cadavres gisent là sans sépulture ! »

Et ces crimes, ces massacres, ces lâchetés (un militaire blessé n’est plus un ennemi) ont été absous par le tribunal de Leipzig. Avec Paré, nous dirons à ces tortionnaires qu’ils sont et resteront de mauvais hommes.

(« La Gazette médicale du Centre, 15 avril 1924)

 


Source : lequotidiendumedecin.fr