L’HTA sévère ne fait désormais plus partie de la liste des 30 ALD, selon un décret publié au Journal Officiel (26 juin). La raison avancée est qu’elle serait « la seule ALD à constituer un facteur de risque et non une pathologie avérée ».
C’est la première fois qu’une ALD est supprimée, et le fait est mal accueilli dans le monde médical comme chez les associations de patients. Collège national des cardiologues français, Fédération française de cardiologie, Société française de cardiologie, Société française d’hypertension artérielle et, côté patients, le Collectif inter-associatif sur la santé (CISS) et l’Alliance du cœur... Tous s’opposent farouchement à cette mesure.« Cette décision est scandaleuse », s’indigne le Pr Xavier Girerd, hypertensiologue à la Pitié-Salpêtrière (Paris) et président de la SFHTA, en pointant du doigt les raisons médicales invoquées : « On ne peut pas affirmer que l’HTA sévère n’est qu’un facteur de risque. Elle est aussi une pathologie grave à part entière. D’ailleurs, elle a été définie en tant qu’ALD sur des critères très précis*, que détaille un décret publié au JO en janvier 2011 sur les ALD ! À peine six mois après, pourquoi faire marche arrière ? ».
Un argument comptable
L’argument n’est donc pas médical, mais financier. Le dispositif ALD, qui concerne au total environ 9 millions de personnes, représente près de 60 % des dépenses de remboursements de l'Assurance-maladie. C’est pourquoi il a été envisagé de faire des économies à ce niveau. Dès 2010, un rapport de la CNAM proposait ainsi plusieurs mesures à intégrer à la loi de financement de la Sécurité sociale : notamment, une prise en charge limitée à 200 bandelettes d’autocontrôle du diabète pour les patients non insulinodépendants, ne plus prendre en charge systématiquement les dépenses de transport pour les patients ALD et, supprimer l’HTA sévère de la liste des ALD. « Cette dernière disposition devrait permettre au gouvernement d’économiser 20 millions d’euros en année pleine », indiquait alors la loi de financement de la Sécurité sociale.
« Mais on aurait pu faire réaliser à l’Assurance-maladie des économies de façon plus judicieuse », indique le Pr Girerd. Notamment en réservant la prise en charge à 100 % seulement aux patients qui en ont réellement besoin. En effet, « jusqu’alors, il est vrai que certains patients hypertendus bénéficiaient de l’ALD, mais sans répondre à deux des trois critères exigés*. Dans certaines situations compliquées, les médecins en faisaient la demande, et l’Assurance-maladie donnait son accord », admet l’hypertensiologue. Supprimer cette tolérance aurait permis de réaliser les économies nécessaires. Au lieu de cela, la mesure qui a été décidée écarte les patients hypertendus sévères, sans mutuelle, d’une prise en charge intégrale. « Par manque de moyens, certains ne seront pas observants. Conclusion : ils ne seront pris en charge qu’une fois les complications apparues », évoque Magali Leo, chargée de mission Assurance-maladie au CISS, en rappelant que l’HTA entraîne un risque majeur d’infarctus, d’insuffisance rénale, mais aussi d’AVC : 50 à 70 % des AVC surviennent chez des hypertendus... « On va à l’encontre de la prévention?!», poursuit Magali Leo. Pour l’UNOF, la situation est ubuesque?: «Le risque de moins de suivi, d'une moindre prise de conscience de la nécessité de se traiter correctement, coûtera beaucoup plus en complication que les 20 millions d'euros économisés ».
Problème égalitaire
Enfin, sur le plan juridique, la décision du gouvernement soulève un problème égalitaire : avec, d’un côté, les patients souffrant d’HTA actuellement pris en charge à 100?% qui ne sont pas concernés par cette mesure et pourront conserver leur statut ALD, voire même bénéficier du renouvellement de l’ALD. De l’autre côté, les patients nouvellement diagnostiqués hypertendus sévères qui devront s’acquitter du ticket modérateur, ou avoir une mutuelle pour être pris intégralement en charge. « Le gouvernement propose donc une prise en charge différente pour une pathologie identique, qui varie selon la date de déclaration de la maladie », avance Magali Leo. Liberté, Egalité, Fraternité ? Pas si sûr… Et le CISS devrait d’ailleurs prochainement attaquer cette décision devant la Conseil d’Etat. L’affaire est loin d’être close.
1 : PA ≥ 180 /110 mmHg à trois consultations successives, sans traitement.
2 : PA ›140 /90 mmHg sans traitement avec des signes organiques.
3 : Prescription d’au moins trois classes d'antihypertenseurs.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature