En cas de prédisposition familiale

L’imatinib en prévention du cancer colo-rectal

Publié le 02/04/2015
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3 semaines d'imatinib ont réduit la croissance des adénomes de 50% dans des modèles murins

3 semaines d'imatinib ont réduit la croissance des adénomes de 50% dans des modèles murins
Crédit photo : PHANIE

Le suivi des sujets à risque élevé de cancer colo-rectal repose sur une surveillance endoscopique à vie et l’exérèse prophylactique des polypes. Une étude publiée dans « Science Translational Medicine » ouvre la voie à une autre forme de prévention des tumeurs intestinales, pharmacologique pour la première fois.

Dans cette nouvelle étude, l’imatinib (Glivec), qui a révolutionné la prise en charge de la leucémie myéloïde chronique, s’est révélé efficace dans un modèle de souris, en diminuant de 50 % la croissance des adénomes après 3 semaines de traitement. Administré en cures courtes, l’anticancéreux pourrait être à l’avenir le premier candidat dans cette nouvelle indication, chez des sujets porteurs d’un syndrome de prédisposition héréditaire, tel que la polypose adénomateuse familiale (PAF).

L’équipe coordonnée par Parag Kundu et Jonas Frisen, au Karolinska Institute de Stockholm et à la Nanyang Technological University, s’est intéressée à une voie de signalisation très particulière en raison de son rôle double dans le développement des tumeurs : la voie EphB. Cette dernière a en effet des effets antagonistes et contradictoires au cours du processus menant à la formation des cancers.

Un agent double dans les cancers

Ces récepteurs EphB favorisent la croissance tumorale au stade d’adénome mais bloquent la progression des cancers colo-rectaux invasifs. L’idéal thérapeutique serait de pouvoir bloquer sélectivement ces récepteurs, c’est-à-dire d’inhiber spécifiquement la croissance tumorale adénomateuse sans se défaire du rôle protecteur au stade avancé. C’est le pari fait par l’équipe dirigée par Jonas Frisen.

Les récepteurs EphB étant dépendants de l’activité tyrosine kinase, les chercheurs ont naturellement porté leur attention vers l’imatinib, ce puissant anti-tyrosine kinase. Pari gagné selon le Pr Jonas Frisen, l’auteur senior, qui a déclaré : « La voie de signalisation EphB est inhibée de manière spécifique ce qui se traduit par une réduction de l’incidence et de la croissance tumorale intestinale. (...) Le traitement par imatinib n’interfère pas avec la fonction suppresseur de tumeur des récepteurs EphB ».

L’espérance de vie augmentée des souris laisse espérer que ces effets positifs seront similaires chez l’homme. Si l’imatinib administré au long cours dans certaines leucémies et tumeurs gastro-intestinales est globalement bien toléré, la molécule n’est cependant pas sans effets secondaires, notamment cardiotoxiques. Au vu de l’effet après seulement 3 semaines chez la souris, les chercheurs espèrent qu’un traitement court intermittent sera suffisant chez l’homme afin d’assurer un rapport bénéfice/risque favorable.

Science Translational Medicine, publié en ligne le 1er avril 2015.
Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9400