Mattarella stoppe les populistes

L'incroyable aventure italienne

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Publié le 31/05/2018
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L'incroyable aventure italienne

L'incroyable aventure italienne
Crédit photo : AFP

Sergio Mattarella, 76 ans, issu de la Démocratie chrétienne, qui a vu son frère assassiné par des terroristes en 1980, s'appuie sur une disposition de la Constitution italienne qui lui permet de refuser la nomination des ministres. Après moult palabres, il a accepté que Giuseppe Conte forme l'équipe gouvernementale. Et puis, pendant le week end dernier, il a tout simplement récusé le nouveau ministre de l'Economie qui lui était proposé. Il ne s'agit pas d'un caprice présidentiel, mais d'un désaccord de fond. On comprend mal que le chef de l'État italien se dresse contre la victoire électorale de la Ligue et de Cinq étoiles qui ont reçu l'onction du suffrage universel, et qu'il rejette un gouvernement issu de ces deux partis et donc idéologiquement marqué par son hostilité à l'Europe. 

Le risque, pour l'Italie, de se retrouver isolée au sein de l'Union européenne et, surtout, de tenter une aventure financière sans lendemain, voilà ce qui a motivé le président italien. Le droit que lui accorde la Constitution est-il en accord avec celui qui résulte du suffrage universel ? C'est une question de dosage. La Ligue et Cinq étoiles lui reconnaissaient la possibilité d'influer sur la composition du gouvernement, ils n'admettent pas que le président de la République remette en cause un gouvernement réunissant deux partis politiques qui, respectivement, ont obtenu 37 et 32 % des voix. Cependant, les Italiens ne semblent pas choqués par le geste de Mattarella, qualifié de courageux par la presse centriste.

M. Mattarrella, pour le moment, tient bon. Il a désigné Carlo Cottarelli, un économiste qui a dirigé le Fonds monétaire international et correspond à tous les critères... européens. M. Cottarelli ne peut qu'expédier les affaires courantes, mais aux yeux des mouvements dirigés par Matteo Salvini et Luigi di Maio, il n'a aucune légitimité. Il semble bien que le chef de l'État italien ait décidé de les laisser crier leur colère. Il veut un gouvernement technique et commencer les consultations pour fixer une date pour de nouvelles élections, probablement en septembre . Selon M. Cottarelli, elles auront lieu au plus tard au début de 2019.

La solitude du président

Dans ce cas, à quoi sert la manœuvre, finalement désespérée et insolite, du président, sinon à retourner à la case départ et à retrouver un imbroglio identique ? Peut-être M. Mattarella espère-t-il que, en donnant du temps aux Italiens pour réfléchir, ils vont se rendre compte que le choix des populistes, décidés à augmenter les dépenses publiques alors que la dette italienne atteint 132 % du produit intérieur brut, n'est pas du tout raisonnable. Ce n'est pas de la sorte, en tout cas, que Mattarella fera renaître le centre-gauche, le Parti démocrate de Matteo Renzi, de ses cendres. M. Renzi est une sorte d'Emmanuel Macron qui aurait échoué. Nommé président du conseil au terme d'une campagne-éclair, il était décidé à réformer l'Italie de fond en comble. Il s'est heurté à un mur quand il a voulu modifier les institutions par référendum, consultation qu'il a perdue. 

L'entêtement du président italien a quelque chose de remarquable, parce que, en quelques jours, il est devenu l'homme qui dit aux Italiens la vérité, à savoir que les promesses populistes représentent un danger mortel pour le pays. Mais, en même temps, il semble bel et bien commettre un abus de pouvoir qui grève sa démarche bien avant qu'elle ait abouti. Même si un autre gouvernement plus raisonnable sort de la prochaine consultation, il sera considéré comme illégitime par les populistes de droite et de gauche. Enfin, il est pratiquement impossible que le gouvernement Cottarelli obtienne la confiance des députés. Forza Italia !, le parti de Silvio Berlusconi, a déjà dit qu'il ne voterait pas la confiance, ce qui renvoie l'Italie à la perspective de nouvelles élections.

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9669