« NOUS AVONS MONTRÉ il y a trois ans que l’os, par ses ostéoblastes, fabrique une hormone, l’ostéocalcine, qui augmente la synthèse et la sécrétion d’insuline par le pancréas et donc favorise le métabolisme du glucose », explique au « Quotidien » le Pr Gérard Karsenty, directeur du Département de génétique et développement de l’Université Columbia, à New York. « Puisque l’ostéocalcine favorise la sécrétion d’insuline, la question se posait de savoir si, en retour, l’insuline agit sur l’os pour réguler positivement ou négativement la fonction de l’ostéocalcine. »
« Une autre raison de se pencher sur cette question est que le récepteur de l’insuline est exprimé dans de nombreux types cellulaires ou sa fonction n’a pas encore été étudiée, et lorsqu’on inactive le récepteur de l’insuline dans les deux tissus considérés comme insulinosensibles - le muscle et le tissu adipeux - il n’y a pas d’intolérance au glucose. Cela suggère que d’autres organes contribuent au maintien du métabolisme du glucose. Pour le comprendre, nous avons donc inactivé le récepteur de l’insuline dans les ostéoblastes. À la différence de ce qui se passe quand le récepteur de l’insuline est inactivé dans le tissu adipeux ou le muscle, les souris développent alors une intolérance au glucose. Ce qui démontre que l’os est un organe nécessaire à l’homéostasie du glucose. »
Une hormone intelligente et paresseuse.
« Nous avons étudié le mécanisme d’action de l’insuline dans l’os. C’est une hormone à la fois intelligente et paresseuse, car elle utilise l’interaction entre les ostéoblastes et les ostéoclastes pour réguler le métabolisme du glucose de la façon suivante. »
« L’insuline agit dans les ostéoblastes pour inhiber la synthèse de l’ostéoprotégérine, un inhibiteur de la fonction des ostéoclastes, avec pour conséquence une augmentation de la résorption osseuse. La résorption osseuse survient à pH 4,5, et ce pH 4,5 est la seule condition connue pour décarboxyler les protéines, comme l’ostéocalcine, une protéine carboxylée qui devient active par décarboxylation. Donc, lorsque l’insuline agit sur les ostéoblastes, il y a baisse d’expression de l’ostéoprotégérine et augmentation de la résorption osseuse. Il y a maintenant de grandes quantités d’ostéocalcine dans les lacunes de résorption qui deviennent actives par acidification du pH (pH à 4,5). Cette ostéocalcine passe dans le sang, va sur la cellule bêta du pancréas et augmente la sécrétion d’insuline. Par conséquent, dans une boucle feed-forward, plus que feed-back, l’insuline agit dans les ostéoblastes pour activer, par l’intermédiaire de la résorption osseuse, l’hormone ostéocalcine qui favorise le métabolisme du glucose. »
« Ces résultats ont des implications importantes. D’une part, cela confirme que l’os est un organe endocrine qui est nécessaire pour la régulation du métabolisme du glucose, puisqu’en l’absence de signal insuline dans les ostéoblastes, les souris sont intolérantes au glucose. Nous avons vérifié que c’est aussi le cas chez les humains. Cela pose la question de savoir si le traitement des patients ostéoporotiques par des médicaments inhibant la résorption osseuse pourrait augmenter l’intolérance au glucose et donc amener certains patients déclarer un diabète. »
Un traitement du diabète.
« L’autre implication thérapeutique est que cela renforce l’idée que l’ostéocalcine pourrait constituer un traitement du diabète de type 2 ou de l’intolérance au glucose. Cela est étudié au stade préclinique par de nombreuses équipes. »
« En résumé, nous avons montré que l’os est nécessaire pour la fonction de l’insuline et que l’insuline utilise l’os pour activer l’ostéocalcine et donc elle-même. Cela ajoute une preuve supplémentaire à la démonstration que l’os est un organe endocrine régulant le métabolisme énergétique, et augmente l’importance de l’ostéocalcine puisque c’est une cible de l’insuline nécessaire à sa régulation de la glycémie. »
Cell 23 juillet 2010, Ferron et coll.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature