La première femme médecin en poste dans un sous-marin nucléaire français

Médecin des armées Pauline, une généraliste 20 000 lieues sous les mers

Par
Publié le 19/07/2018
Article réservé aux abonnés
femme medecin sous marin

femme medecin sous marin
Crédit photo : Damien Coulomb

La pièce mesure environ 3 mètres sur 2. Elle n'en mérite pas moins le titre « d'hôpital » aux yeux des 110 marins du « Vigilant », sous-marin nucléaire lanceur d'engin (SNLE) de 128 mètres de long pour 12 mètres de diamètre maximum. C'est là que nous reçoit le médecin des armées Pauline, responsable du suivi médical pendant une patrouille de 2 mois et demi en immersion qui vient de s'achever.

« Au risque de vous décevoir, il ne s'est rien passé de particulier », sourit la jeune femme. Rien de particulier ? D'un point de vue médical peut être, mais d'un point de vue « sociétal », ce voyage avait des airs de petite révolution au sein de « La Royale » : ce fut en effet la première fois qu'un bâtiment de ce genre accueille à son bord 4 femmes. Il s'agit de la concrétisation d'une promesse faite en 2014 par Jean-Yves Le Drian, à l'époque ministre de la Défense. « Il y avait des questions pratiques à régler en ce qui concerne le logement, les sanitaires, bref l'habitabilité des sous marins, explique le Commandant en Second Matthieu. Cela a été possible sur les SNLE mais pas sur les sous marins d'attaque (SNA), beaucoup plus étroits, dont la féminisation ne sera pas possible avant la mise en service actif en 2019 des SNA de classe Suffren. »

Omnipraticien, au sens premier du terme

Lorsque l'appel aux volontaires s'ouvre aux femmes, en 2014, le médecin des Armées Pauline saute sur l'occasion. Cela fait déjà 3 ans qu'elle entend les récits des médecins sous mariniers qui exercent à l'hôpital d'instruction des armées Clermont-Tonnerre, à Brest, où elle réalise son internat. « Ce n'était pas une décision facile à prendre, reconnaît-elle. J'avais alors 27 ans, et ma candidature signifiait qu'il me fallait repartir pour 2 années de formation. »

Médecin généraliste de formation, Pauline doit en effet se former à la chirurgie viscérale, à la chirurgie orthopédique, aux soins ORL et dentaires, sans oublier les formations théorique et pratique sur la vie à bord et un stage à l'institut de radioprotection et de sécurité nucléaire. « Je dois être en mesure de pratiquer de petites interventions comme opérer un kyste sacro coccygien ou une hernie étranglée », explique-t-elle. Une fois en mission, un SNLE doit rester indétectable, plus de 6 semaines sous la surface. Le médecin de bord doit donc être capable de faire face à toutes les situations sans recourir à une évacuation sanitaire qui signerait l'échec de la mission.

Il est pour cela assisté par un infirmier anesthésiste et un infirmier de soins généraux, par ailleurs en charge de la radioprotection et de la collecte des données de dosimétrie. En cas d'opération chirurgicale, le médecin est traditionnellement assisté par le commandant en second. « Il n'est pas médecin, mais c'est une bonne chose qu'il soit en contact avec la réalité chirurgicale », précise le médecin des armées Pauline. En 45 ans, la flotte de sous-marins nucléaires français a connu 100 anesthésies générales et 15 évacuations sanitaires.

Une clinique en miniature

L'espace disponible dans l'hôpital est restreint, mais son équipement est complet : un appareil de radiographie classique sur bras articulé, une radio dentaire, un échographe… Le lieu est également doté d'un petit laboratoire de biologie, afin de réaliser une NFS, une analyse des gaz du sang, une analyse biochimique sanguine ou une analyse de la coagulation. Pas de réserves de sang mais du PLYO, un plasma lyophilisé équivalent du plasma frais congelé mis au point par le centre de transfusion sanguine des armées.

« Nous devons rester simples dans notre approche », explique le Major Thomas, infirmier anesthésiste, 8 patrouilles au compteur. « Des opérations qui nécessiteraient normalement une anesthésie locale sont par exemple traitées sous anesthésie générale standard en intraveineuse », précise-t-il en guise d'exemple.

Une garde de 90 jours

L'équipe médicale de bord est aussi très impliquée dans le soutien psychologique d'un équipage enfermé pendant de longues périodes. « Pour que les marins poussent d’eux-mêmes notre porte, il faut que nous soyons bien intégrés au reste de l'équipage », résume le major Thomas.

La vie à bord est rythmée par les quarts, des périodes de 4 heures au cours desquels un marin doit assurer une des fonctions vitale du sous-marin. Cela oblige les sous-mariniers à vivre en recalé et parfois à grignoter. Contrairement aux idées reçues, on n'a pas le temps de s'ennuyer à bord : « C'est une vie intense, on a toujours quelque chose à faire, à lire ou à écrire, explique le médecin des armées Pauline, la vie dans un sous-marin, c'est un peu une garde hospitalière qui durerait 90 jours ! »

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9681