Médicaments falsifiés : MSF tire la sonnette d'alarme en RDC

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Publié le 19/01/2017
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Crédit photo : AFP

Sous la plume du Dr Nicolas Peyraud, Médecins sans frontières (MSF) dénonce dans une correspondance du « Lancet », publiée le 17 janvier, la présence de médicaments falsifiés au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), responsable de l'intoxication d'au moins 1 000 personnes.

Entre décembre 2015 et août 2016, les centres de santé gérés par MSF et le ministère de la Santé ont accueilli 1 029 personnes dans le district d'Ituri, une région reculée près de la frontière avec l'Ouganda. Ils présentaient des symptômes tels que des raideurs dans la nuque et pour 930 d'entre eux, des épisodes de dystonie (contractions musculaires involontaires) qui laissaient suspecter une épidémie de méningite. « Ces contractions musculaires du visage, des yeux, de la langue, de la nuque et des bras, sont rarement dangereuses, mais elles sont sources d'inquiétude, de panique et de honte pour les patients », souligne le Dr Peyraud.

Plus de 48 % d'entre eux étaient des garçons, âgés de moins de 5 ans pour 33 %, entre 5 et 15 ans pour 28,5 % et de plus de 15 ans pour 38 % d'entre eux. En moyenne, ils ont été hospitalisés entre 3 et 7 jours. Onze décès ont été recensés, dont 5 chez les moins de 5 ans.

Néanmoins, le tableau clinique était atypique pour la méningite : quelques patients présentaient de la fièvre et des raideurs dans la nuque, mais la bactérie Neisseria meningitidis n'a été retrouvée dans le liquide céphalorachidien que de 4 des 83 personnes chez qui une ponction lombaire a été réalisée.

Les ponctions ont été arrêtées et des analyses toxicologiques d'urine ont été conduites sur 9 patients présentant des dystonies. En parallèle, 39 médicaments disponibles en pharmacies ou dans les centres de santé gouvernementaux ont été examinés par le service de pharmaco-toxicologie de Poincaré (Garches, France).

L'halopéridol dans des comprimés étiquetés diazépam

L'halopéridol, un antipsychotique utilisé dans le traitement de la schizophrénie, a été détecté dans l'urine des neuf patients, ainsi que dans neuf tablettes jaunes sur lesquelles sont imprimées les lettres AGOG, et vendues comme diazépam. « Le diazépam est généralement utilisé pour traiter différentes affections, notamment l'anxiété et la dépression. Son usage est encore plus répandu dans la région de l'Ituri où les patients se font prescrire du diazépam dans des cas très divers allant des troubles du sommeil aux maux de tête, en passant par le paludisme », décrypte le Dr Peyraud.

La dose moyenne d'halopéridol par tablette était de 13,1 mg, soit presque entre 20 et 25 fois la dose recommandée pour un enfant de 5 kg. En revanche, aucune trace de diazépam (ni d'autres substances toxiques).

Plaidoyer pour une approche multidisciplinaire

Les auteurs de l'article n'ont pas vu d'autres explications à la clinique observée. « Cette explosion de dystonies, dans une contrée reculée de RDC, a très probablement été provoquée par l'ingestion de tablettes vendues comme diazépam, mais contenant de l'halopéridol », écrivent-ils.

Ils plaident pour que des investigations poussées soient menées en cas de signes cliniques atypiques et que les disciplines et professionnels (travailleurs sociaux de première ligne, personnels de santé, médecins) se croisent.

MSF a immédiatement prévenu le ministère de la Santé de la RDC et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui ont diffusé une alerte identifiant les produits suspects en Afrique sub-saharienne. Une enquête est en cours ; un distributeur a déjà été identifié à Kampala comme vendant des produits falsifiés.

« Ces médicaments remettent en question tous les progrès effectués dans le domaine de la pharmacologie et de la santé publique, souligne le Dr Peyraud. La multiplication des cas d'intoxication grave par des médicaments falsifiés doit faire réagir les acteurs mondiaux de la santé publique et les inciter à veiller à ce que tous les patients, en particulier les plus vulnérables, se voient prescrire des médicaments appropriés et de bonne qualité et soient en mesure de se les procurer ».

En 2016, les 3 Académies (médecine, pharmacie, et vétérinaires) et Ordres avaient dénoncé ce fléau et réclamé la criminalisation de ses agents.


Source : lequotidiendumedecin.fr