C’est arrivé le 23 juillet 1832

Mort d’Antoine Portal

Publié le 23/07/2015

Crédit photo : GARO/PHANIE

Le baron Antoine Portal, médecin personnel de Louis XVIII qui fut à l’origine de la création de l’Académie royale de médecine en 1820, était natif du Tarn, né à Gaillac le 5 janvier 1742. Fils d’Antoine Portal, marchand apothicaire et deuxième consul de Gaillac, il était l’aîné de 16 enfants. Après des humanités au collège jésuite d’Albi, Portal décide de se tourner vers la médecine qu’il étudie à Albi, Toulouse et, enfin, Montpellier où il obtient le titre de bachelier en médecine en 1765. L’année suivante, il monte à Paris, recommandé par le cardinal de Bernis à Jean-Baptiste Guyonnet-Senac, le premier médecin du roi et à son assistant Lieutaud, Portal est nommé précepteur d’anatomie auprès du Dauphin.

« Ce médecin qui sait si bien découvrir les secrets de la vie en fouillant le sein de la mort »

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En 1768, le médecin tarnais publie une « une Histoire de l'anatomie et de la chirurgie, contenant l'origine et les progrès de ces sciences. » et succède à Antoine Ferrein à la chaire de médecine au Collège de France. Concomitamment, il est reçu à l’Académie des Sciences. Ce jour-là, Voltaire qui est présent dans la salle et qui connaît le dégoût de Portal pour les dissections et les autopsies ne peut s’empêcher de s’écrier : « C’est donc là ce médecin qui sait si bien découvrir les secrets de la vie en fouillant le sein de la mort ! » À l'Académie des Sciences, il est donc fait membre adjoint anatomiste, le 5 juillet 1769, associé anatomiste, le 17 février 1774, pensionnaire anatomiste, le 2 septembre 1784 et enfin, pensionnaire de la classe d'anatomie lors de la réorganisation du 23 avril 1775.

Médecin de Monsieur, frère du roi

En 1774, Portal, qui vient de se marier à Gaillac, publie un « Traité de la structure du cœur ». En 1776, sur l’instigation de Buffon qui plaide pour sa candidature au détriment de Vicq d’Azyr, il est nommé professeur d’anatomie humaine au Jardin du roi où il succède à Antoine Petit. Parallèlement, il ouvre un cabinet rue Saint-André-des-Arts où, passé maître dans l’art de faire sa publicité, il réussit à attirer l’élite parisienne, à commencer par d’Alembert, madame de Staël ou encore Necker tout en soignant gratuitement les indigents. Il devient aussi familier de Versailles, soignant les principaux personnages de la Cour. Ainsi, il devient médecin de Monsieur, frère de Louis XVI et futur Louis XVIII et est fait écuyer par le Roi en 1785. Il fait aussi plusieurs consultations au Cardinal de Rohan, compromis dans l’affaire du collier de la Reine. lors de son embastillement.

Pas inquiété durant la Révolution

Portal, malgré ses attaches à la Cour, ne sera pas inquiété durant la Terreur et reçoit même un brevet de civisme, ayant soigné Péthion de Villeneuve, le président de l’Assemblée nationale et George Couthon, le président de la Convention. En 1793, il obtient la chaire nouvellement créée d'anatomie humaine au Muséum d’Histoire naturelle mais n’est plus membre de l’Académie des Sciences, celle-ci ayant été dissoute la même année. En revanche, il est élu le 9 décembre 1795 à l’Institut de France, membre résidant de la première classe de l'Institut national des sciences et des arts,section médecine et chirurgie.

La jalousie de Corvisart

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Traversant sans encombres toutes ces périodes troublées, soignant son ami Cambacérès et le pape Pie VII lors de son exil à Savone, on retrouve Portal sous l’Empire toujours aussi recherché, médecin de Masséna, de Joseph Bonaparte, de la princesse Borghèse. Pourtant, l’accès de la maison impériale lui est interdit car il fait de l’ombre à Corvisart. Celui-ci imagine d’ailleurs avec Berthollet et Monge un stratagème pour l’empêcher de devenir le premier médecin de Napoléon. Corvisart qui règne alors en maître sur la médecine française lui ferme aussi les portes de la Faculté de médecine de Paris. Cela ne l’empêche pas de faire paraître en 1803 son fameux « Cours d'anatomie médicale » en cinq volumes. et d’être élevé au rang de chevalier de l’Empire en 1808.

Portal suggère à Louis XVIII la création de l’Académie royale de Médecine

Survivant décidément à tous les régimes politiques, Portal est appelé en 1818 par Louis XVIII pour devenir son premier médecin. Portal va mettre à profit l’amitié réelle qui le lie au souverain pour lui imposer la création d’une Académie Royale de Médecine, projet que Pierre Chirac en son temps n’avait pu mener à bien. Par ordonnance du 20 décembre 1820, Louis XVIII crée donc l'Académie Royale de Médecine pour rassembler l'élite des médecins et des chirurgiens français, Portal en étant fait le président perpétuel. La nouvelle Académie fédère trois sociétés savantes médicales : la Société royale de médecine, l'Académie royale de chirurgie et la Société de la faculté de médecine fondée par son vieil ennemi Joseph Ignace Guillotin. Ses statuts sont fondés sur ceux de l'Académie royale de chirurgie (1731) et de la Société royale de médecine (1776). L'Académie de médecine, de royale, devint impériale de 1851 à 1870, puis nationale à partir du 1er mars 1947.

L'article 2 de l'ordonnance de 1820, signée par Louis XVIII définit les statuts et missions de l'Académie royale de médecine comme suit :

« Cette académie sera spécialement instituée pour répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique, et principalement sur les épidémies, les maladies particulières à certains pays, les épizooties, les différents cas de médecine légale, la propagation de la vaccine, l'examen des remèdes nouveaux et des remèdes secrets, tant internes qu'externes, les eaux minérales naturelles ou factices, etc. Elle sera en outre chargée de continuer les travaux de la Société royale de médecine et de l'Académie royale de chirurgie : elle s'occupera de tous les objets d'étude ou de recherches qui peuvent contribuer au progrès des différentes branches de l'art de guérir. En conséquence, tous les registres et papiers ayant appartenu à la Société royale de médecine ou à l'Académie royale de chirurgie, et relatifs à leurs travaux, seront remis à la nouvelle académie et déposés dans ses archives. » À la mort de Louis XVIII, Charles X conserve Portal comme premier médecin. Il l’élève, en outre, à la baronnie en 1824, le fait commandeur de la Légion d'honneur et chevalier de Saint-Michel.

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Un article sur les signes de l’épilepsie

En 1827, il publie un article sur les signes avant-coureurs de l’épilepsie :

« Quelquefois une idée de même nature précède l'accès ; d'autres fois cette idée qui se répète souvent est différente, mais plus ou moins triste ; un mal de tête gravatif les devance souvent, en même temps ou dans les intervalles desquels il survient un affaiblissement notable dans les organes de la vue, de l'odorat, de l'ouïe, du goût, ainsi qu'une grande débilitation dans les mouvements et la sensibilité des parties qui constituent le tronc et les extrémités, tandis que c'est plus fréquent, il y a au contraire une exaltation dans leur sensibilité et leur mouvement. Il y a des crampes dans les muscles de diverses parties du corps ; des pieds et des jambes surtout, et plus souvent encore des vertiges qui sont plus ou moins durables et violents. Ils sont accompagnés de bruits que les malades éprouvent dans les oreilles; d'un vice de l'odorat tel que ce qui paraissait au malade avoir une très bonne odeur lui semble très fétide ; c'est ce qui a été plusieurs fois observé; tandis que quelques autres épileptiques ont éprouvé un tel changement dans l'odorat, dans le goût, et dans l'ouïe, que ces sensations leur devenaient plus exquises que dans l'état naturel. Il y a des tremblements des membres, des bâillements, des rots, des nausées, avec un sentiment de rétraction dans la région épigastrique.

Cependant, très souvent, l'épilepsie survient d'une manière si prompte et sans être annoncée par aucun symptôme antécédent, que les malades tombent subitement à terre. C'est sans doute de cette chute que lui est venu le nom de mal caduc qu'elle porte, dénomination qui, pour la même raison, a été donnée à l'apoplexie, qu'on a aussi appelée morbus attonitus. »



En 1830, Louis-Philippe désirant continuer à être suivi par le médecin qui s'occupait de lui depuis des années, Portal n'est pas reconduit dans ses fonctions de premier médecin du Roi. Désappointé, le vieux médecin - il a alors 88 ans - se replie sur lui-même, n'assistant plus qu'aux séances de l'Académie de Médecine du mardi. Deux ans plus tard, Portal meurt de la maladie de la pierre et est inhumé au cimetière du Calvaire à Saint-Pierre de Montmartre. Ainsi fut la vie de Portal qui survécut à tous les régimes, jurant fidélité à cinq rois, une république et un empereur…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr