Naissance d’un chef d’œuvre

Samuel Beckett aurait-il atteint cette notoriété sans la présence de Roger Blin, ami et premier promoteur de l'auteur ? C'est la question centrale que pose la pièce Naissance d'un chef d'œuvre, jouée jusqu'au 3 décembre prochain au théâtre de Belleville. Dans cette mise en lumière du renouveau du théâtre après la guerre, le spectateur ne s'ennuie pas une seconde. En 1950, Roger Blin, directeur du théâtre de la Gaieté Montparnasse, végète. Un jour, Suzanne, la compagne de Samuel Beckett, vient lui amener le script de En attendant Godot. Roger Blin se prend immédiatement de passion pour cette pièce après l'avoir lue. Mais seul lui y croit.

À force de persévérance, il réussit à monter la pièce avec des acteurs de son entourage et avec le soutien de Jean-Marie Serreau, directeur du théâtre Babylone. La pièce doit être jouée un mois. mais elle est prolongée cinq mois supplémentaires, puis six mois l'année suivante. Mais surtout c'est le succès inespéré doublé d'une polémique extraordinaire. Samuel Beckett qui avait quand même réussi à publier mais laborieusement entre avec fracas sur la scène artistique. Son théâtre absurde mais réaliste, proche des petites gens, renouvelle le style radicalement. En attendant Godot sera par la suite publié dans cinquante langues, et entrera même au répertoire de la Comédie française.

Quant à la mise en scène, la petite scène ne dessert pas le spectacle. Bien au contraire. Deux écrans transparents partagent la scène en trois. Devant, les acteurs racontent l'histoire aux spectateurs ou décrivent l'intimité, les coulisses de l'histoire. Derrière le premier rideau (qui peut servir à diffuser des images ou des informations) se déroule l'histoire. Le deuxième écran (rideau) pose la scène du théâtre de l'époque. Le spectateur ne se trouve pas enfermé par ces rideaux. Il est simplement canalisé. Surtout le jeu des acteurs est au cordeau. Mention spéciale à Laurent Collard parfait dans le rôle de Roger Blin et à Barthélémy Goutet dans celui de Samuel Beckett.