Thrombectomie

Organisation territoriale, égalité d'accès aux soins et perspectives

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Publié le 20/06/2016
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C'est la première fois que des études démontrent l'efficacité sur le plan cérébral de ces gestes mécaniques que l'on connaît depuis très longtemps au niveau du myocarde. Et les résultats sont très significatifs ! « Avec la thrombectomie mécanique, il suffit de traiter 2,6 patients pour permettre à un patient de s'en sortir avec moins de séquelles qu'un autre n'ayant pu bénéficier de ce traitement endovasculaire. L'efficacité en terme de réduction du handicap post-accident vasculaire cérébral (AVC) est donc très importante ! », insiste la Pr Cordonnier.

Une question de « timing »

Pour y arriver, encore faut-il pouvoir offrir un environnement très technique - neuroradiologie interventionnelle, soins intensifs neurovasculaires - aux patients qui en ont besoin, au moment où ils en ont besoin, c’est-à-dire, au maximum dans les six heures qui suivent le début des symptômes de leur AVC. En effet, ces patients doivent très vite bénéficier d'une imagerie cérébrale s'intéressant à leurs vaisseaux afin de visualiser ou non l'existence d'une occlusion artérielle (alors que jusqu'à présent, seul le tissu cérébral était inspecté). Il n'y a donc pas une minute à perdre. « Dans le scénario idéal, le patient est repéré dès ses premiers symptômes et amené au plus vite dans un endroit où il va pouvoir bénéficier des examens adéquats et d'une thrombectomie endovasculaire. Dans le Nord et le Pas-de-Calais qui compte environ 4 millions d'habitants, nous réalisons une thrombolyse veineuse à 1 050 patients par an et parmi eux, 180 ont bénéficié d'une thrombectomie par voie endovasculaire en 2015. Il y a moyen d'améliorer encore ces résultats : nous estimons en effet que nous aurons atteint un niveau optimum lorsque 300 à 350 thrombectomies annuelles seront réalisées. Le nombre de thrombectomies effectuées au premier trimestre 2016 est d'ailleurs en augmentation par rapport au premier trimestre 2015, ce qui va dans le bon sens. Sur l'ensemble de la France, près d'un patient sur deux thrombolysé devrait théoriquement être éligible à la thrombectomie en sachant que l'on compte environ 2 400 nouveaux AVC par million d'habitants et par an, dont 80 % sont ischémiques. Là encore, il existe une marge de progression : en effet, le pourcentage de patients actuellement thrombolysés est de l'ordre de 8 % alors qu'il devrait y en avoir 20 à 25 % », note la Pr Cordonnier.

Inégalité territoriale

Alors qu'entre le moment où une publication intervient et sa mise en pratique, il peut se passer deux ou trois ans, dans le cas de la thrombectomie mécanique, tout a été très vite, même si l'accès reste encore très inégal au niveau du territoire français. Les raisons à cette inégalité sont triples. Première raison : il n'y a pas de mode de financement de cette technique. Or une thrombectomie coûte environ 5 000 €, ce qui représente un frein actuel à son développement. C'est d'autant plus dommage que ce coût n'est rien à côté du bénéfice en terme de santé publique : en effet, la prise en charge du handicap coûte beaucoup plus cher au final ! Les sociétés savantes sont ainsi très impliquées pour qu'un acte soit créé et remboursé afin de sortir de cette situation ubuesque. Second frein à la réalisation d'une thrombectomie mécanique par voie endovasculaire : le nombre trop restreint de neuroradiologues interventionnels et les réticences à ouvrir la technique aux neurochirurgiens et aux neurologues comme cela se fait ailleurs en Europe ou aux États-Unis.

Dernier frein : encore trop de patients arrivent trop tard à l'hôpital (plus de six heures après les premiers symptômes). « Or toutes ces techniques ne peuvent être proposées que si l'ensemble des citoyens connaît bien les signes d'alerte de l'AVC et appelle la régulation (centre 15), devant l'apparition brutale d'un bras lourd ou d'une jambe lourde, d'une difficulté pour s'exprimer, d'un trouble de la vision et ce, même si ces symptômes ne durent que cinq minutes. C'est pourquoi l'éducation des patients à risque (diabétiques, hypertendus, fumeurs, etc.) et de la société (qui peut être témoin) reste primordiale et à ce titre, les généralistes ont un rôle crucial à jouer. Dans la mesure où l'AVC ne fait pas mal, il est perçu comme moins anxiogène que l'infarctus du myocarde. C'est d'autant plus dommage que ces techniques de reperfusion peuvent sauver un cerveau » conclut la Pr Cordonnier.

D'après un entretien avec la Pr Charlotte Cordonnier, CHRU de Lille

Encadré = Quelle place pour la neuroprotection ?

Pour gagner du temps en pré - hospitalisation, des ambulances peuvent être équipées de neuro-imagerie cérébrale embarquée. C'est le cas en Allemagne et une prochaine étude française évaluera l'impact médicoéconomique d'une telle stratégie. La prise en charge très précoce pré-hospitalière permettra également de réévaluer certaines mesures de neuroprotection comme l'hypothermie. À suivre…

Dr Nathalie Szapiro
AVC

Source : Bilan Spécialiste