Temps de travail, burn-out, addictions

Outre-Rhin, les médecins au chevet de leur propre santé

Par
Publié le 13/06/2019
Article réservé aux abonnés
ALLEMAGNE

ALLEMAGNE
Crédit photo : PHANIE

« Je veillerai à ma propre santé et à mon bien-être afin de prodiguer des soins irréprochables. »

Depuis 2017, les médecins allemands prononcent cette phrase lorsqu’ils prêtent leur serment de Genève, l’équivalent de notre serment d’Hippocrate. Dans les faits pourtant, trop de médecins continuent à s’épuiser et à se ruiner la santé au travail, comme l’a montré leur dernier congrès annuel, fin mai à Münster. 250 délégués des Ordres régionaux ainsi que les syndicats de professionnels ont réclamé aux autorités administratives et sanitaires des mesures concrètes pour remédier au burn-out et à l’épuisement de leurs confrères, en particulier ceux exerçant en ville.

Marchandisation de la santé

Alors qu'elle s’applique strictement dans tous les autres domaines de l’activité économique, la législation sur la durée et les conditions de travail pèche dans le secteur de la santé. Dans ce contexte, les médecins allemands exigent d’être débarrassés de toutes les tâches administratives. Ils réclament une réflexion nationale sur les conséquences de ce que le Dr Frank-Ulrich Montgomery, président du congrès et de l'Ordre fédéral des médecins, appelle depuis longtemps « la marchandisation croissante de la santé ».

Dans l’immédiat, l’Ordre, compétent en matière de formation continue, souhaite que cette dernière intègre des programmes destinés à améliorer la « résilience » des médecins face au stress, au burn-out et à la violence dont ils sont victimes.

Certains hôpitaux universitaires organisent déjà des séminaires pour les médecins et les soignants autour de ces sujets, de même que sur l’organisation du travail et les relations avec les patients. Médecins et soignants y trouvent un soutien psychologique en cas de stress post-traumatique lié à des agressions au travail.

Les addictions sont un autre sujet de préoccupation. Plusieurs enquêtes révèlent que 7 à 8 % des médecins sont ou ont été confrontés à un problème d’addiction durant leur carrière. 50 % des praticiens concernés ont développé une dépendance à l'alcool, 30 % ont un problème d’alcool et de médicaments et 5 % sont accros aux stupéfiants. Face à ce constat, les 17 Ordres régionaux ont décidé de proposer des programmes de prise en charge et de suivi maison. Les traitements peuvent être ambulatoires, ou organisés dans des cliniques spécialisées. Responsable à Berlin de l’une de ces cliniques, le Dr Bastien Willenborg souligne que la « mobilisation permanente » des médecins les mène tout droit au burn-out et aux addictions : pour les éviter, il importe d’apprendre très tôt à lever le pied et à garder le plaisir de travailler.

Enfin, au-delà des conséquences personnelles du burn-out, le congrès a été l'occasion de rappeler le coût sanitaire des fautes professionnelles liées à l’épuisement. Les erreurs de prescriptions seraient jusqu’à six fois plus fréquentes que chez des médecins détendus ou reposés, et le risque pour un patient de contracter une infection nosocomiale est deux fois plus élevé lorsqu’il est suivi par une équipe surmenée et stressée.

 

 

 

 

De notre correspondant Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du médecin: 9757