Un gros contentieux économique et politique

Paris-Rome : rien ne va plus

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Publié le 31/01/2019
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Crédit photo : ANDREAS SOLARO

Il est un peu hasardeux de l'affirmer, mais il semble bien qu'Emmanuel Macron ait tiré le premier. La formation, dans des conditions parfaitement démocratiques, d'un gouvernement alliant Cinq étoiles (populistes) à la Ligue (extrême droite) a inspiré à notre président des propos peu amènes, de ceux que la presse peut faire mais qu'un chef d'Etat doit atténuer pour des raisons diplomatiques. Et, comme n'importe quel citoyen français, les deux larrons qui ont acquis le pouvoir, Matteo Salvini (Ligue) et Luigi di Maio (5 étoiles) lui ont répondu avec une causticité qui frisait l'insolence. Leur orientation idéologique ne suffit pas à expliquer leur colère qui les conduit un peu vite à prononcer des insultes. Pour mieux se distinguer de leurs prédécesseurs de gauche, souvent proches de Macron, ils ont caricaturé les manières françaises qui, à l'égard de l'Italie, ont toujours été un peu condescendantes.

La première pomme de discorde concerne l'immigration. La France, non sans aplomb, s'est toujours appuyée sur l'accord de Dublin qui fait de tout migrant la responsabilité du premier pays où il débarquent. Or les immigrés savent très bien que l'économie italienne ne peut pas les accueillir en son sein. La plupart d'entre eux cherchent à rejoindre l'Angleterre et leur premier soin est de traverser la France. Aussitôt, les forces de sécurité qui les croisent les renvoient dans la péninsule, souvent sans trop s'attarder sur les formalités administratives et même sans prévenir la maréchaussée italienne. Nul besoin d'être néo-fasciste pour s'indigner, comme l'a fait Matteo Salvini (vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur) de « l'hypocrisie » du président français qui ne s'est jamais montré aussi soumis aux règlements que depuis qu'ils favorisent la France.

Il est vrai, d'ailleurs, que dans la crise migratoire, la France n'a pas donné à l'Italie le coup de main que celle-ci méritait, que la passivité française suffit à détourner les navires de secours vers les côtes italiennes, et que le ton pédagogique du discours français en la matière a de quoi irriter l'Italien le plus sage. De sorte que Salvini, qui ne fait jamais dans la nuance, a reproché à Macron de jouer le rôle du « donneur de leçons », expression que l'on retrouve souvent dans la bouche des gilets jaunes. C'est là que les échanges verbaux ont dérapé. Salvini a décidé que la France était responsable du chaos libyen, à cause de son intervention militaire en 2011, qu'elle a encore en Afrique une politique coloniale servie par le franc CFA, et que l'ensemble de ses relations avec les pays africains a favorisé une immigration qui, elle, accable l'Italie. 

Méchant frère aîné

Bref, Savini parle le langage propre à enthousiasmer ceux des Italiens qui ont voté pour lui et Macron, qui a su si bien se créer une forte impopularité en France, n'est populaire en Italie que dans le camp réduit de Matteo Renzi, l'ancien Premier ministre du parti démocrate qui lui voue une grande amitié et le soutient. Comme une querelle en entraîne une autre, il a suffi que Cesare Battisti, le terroriste jadis protégé par Mitterrand fût extradé de Bolivie vers l'Italie pour que Matteo Salvini exige du gouvernement français qu'il lui délivre 14 autres anciens terroristes réfugiés en France depuis des années. Mais bien sûr il compte surtout mettre Macron dans l'embarras.

L'Italie, il est vrai, a adopté le ton plaintif de l'enfant dont le frère aîné serait méchant et qui trouve naturel de s'emparer de Parmalat, géant agro-alimentaire italien, de Gucci et Fendi (luxe), de prendre un morceau de Mediaset (Berlusconi), mais refuserait de finaliser l'acquisition, pourtant très avancée, de nos chantiers navals de l'Atlantique par Fincantieri. Derrière la victimisation, il y a la forte dose de démagogie du nouveau gouvernement italien. Pourtant, les relations entre les deux pays sont trop étroites pour que notre président tente, comme il en a trop l'habitude, de redresser les torts des autres, sans penser à ce qu'ils ressentent à être ainsi traités.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9720