Bithérapie prolongée

PEGASUS ouvre la voie

Publié le 28/05/2015
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Les résultats de cette étude ouvrent la voie à la bithérapie prolongée chez les patients ayant...

Les résultats de cette étude ouvrent la voie à la bithérapie prolongée chez les patients ayant...

Chez le patient coronarien en prévention secondaire, la stratégie actuelle se fonde sur une monothérapie par aspirine (ASA) ou clopidogrel en cas d’intolérance à l’aspirine. Mais une amélioration supplémentaire du pronostic avec une double anti-agrégation plaquettaire prolongée avec de l’ASA et un inhibiteur de P2Y12 est une hypothèse envisagée depuis plusieurs années.

L’étude CHARISMA, publiée en 2006, avait évalué les effets au long cours de l’association ASA-clopidogrel versus ASA chez plus de 15 000 patients en prévention primaire et secondaire. Les résultats de cet essai avaient été négatifs. Toutefois, dans le sous-groupe de patients en prévention secondaire après un infarctus du myocarde (IDM), l’association ASA-clopidogrel était associée à une réduction du risque d’événements cardiovasculaires majeurs par rapport à l’ASA seule. C’est d’ailleurs ce résultat qui a servi de base à l’étude PEGASUS.

« Dans l’intervalle, nous avons eu plusieurs autres signaux positifs, indique le Pr Gilles Montalescot. D’une part les bénéfices rapportés avec la bithérapie ASA-vorapaxar dans le sous-groupe de patients avec antécédents d’IDM inclus dans la vaste étude TRA 2P (plus de 25 000 patients). Puis, à l’automne dernier, les résultats de l’essai DAPT (10 000 patients), montrant chez des sujets ayant eu une angioplastie avec pose de stent une réduction des événements cardiovasculaires majeurs avec une bithérapie anti-agrégante prolongée (ASA + clopidogrel ou prasugrel pendant 30 mois, versus 12 mois) ».

21 000 patients suivis pendant trois ans

PEGASUS est la première étude entièrement dédiée aux patients en prévention secondaire, avec antécédent de syndrome coronaire aigu entre un et trois ans auparavant et à haut risque thrombotique (au moins un facteur parmi les suivants : âge ≥ 65 ans, diabète traité, autre antécédent d’IDM, maladie coronaire diffuse, insuffisance rénale chronique).

Cet essai, a inclus plus de 21 000 patients suivis en moyenne pendant 33 mois. Ils ont été randomisés pour recevoir du ticagrelor à la dose conventionnelle (90 mg deux fois/jour), ou du ticagrelor à une posologie plus faible (60 mg deux fois/jour) ou un placebo en sus de l’ASA. « L’évaluation d’une posologie plus faible a été faite à la demande de la Food and Drug Administration, qui avait estimé qu’une dose moindre pouvait être suffisante à distance d’un événement aigu », précise le Pr Montalescot. Le ticagrelor, sans qu’il ne soit apparu de différence entre les deux posologies, a été supérieur au placebo pour réduire significativement les événements du critère primaire (réduction de 15 % des IDM, accidents vasculaires cérébraux et décès cardiovasculaires). L’incidence des événements hémorragique majeurs a été plus élevée sous ticagrelor 90 et 60 mg que sous placebo (taux d’hémorragies majeures à 3 ans de 2,6, 2,3 et 1,03 % respectivement), sans qu’il n’y ait eu d’excès d’hémorragies intracrâniennes ou fatales. Il y avait par ailleurs une tendance à une meilleure tolérance de la dose de ticagrelor la plus faible, avec, notamment, moins de dyspnée.

« L’idée serait de pouvoir réserver la bithérapie aux patients les plus à risque. Mais nous disposons pour l’instant de peu d’éléments pouvant nous permettre d’identifier les profils de patients les plus répondeurs à la double anti-agrégation », note le Pr Montalescot. Les résultats semblent les mêmes quels que soient l’âge, le type d’événement coronaire dans les antécédents, le recours ou non à une angioplastie, la présence ou non d’un diabète… Des précisions viendront peut-être des analyses secondaires ».

« PEGASUS est une belle étude qui répond à une vraie question. Ses résultats ouvrent la voie à la bithérapie prolongée chez les patients ayant une maladie coronaire stable, à haut risque thrombotique, et à faible risque hémorragique. Une autorisation de mise sur le marché (AMM) devrait être obtenue, sans doute chez des patients sélectionnés », conclut le Pr Montalescot.

D’après un entretien avec le Pr Gilles Montalescot, institut de cardiologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris
Dr Isabelle Hoppenot

Source : Congrès spécialiste