Santé des mineurs migrants

Peu de prévention, beaucoup d’infections

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Publié le 09/11/2017
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mineur migrant

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Crédit photo : PHANIE

Le système de santé français est-il vraiment confronté à un afflux de migrants ? Et, parmi ces derniers, combien recense-t-on de mineurs, seuls ou accompagnés ? Voilà des questions auxquelles il n’est pas toujours simple de répondre de manière précise. « Mais, en croisant les chiffres officiels et ceux des associations qui s’occupent des migrants, on arrive à des estimations assez concordantes. Globalement, on estime qu’il y aurait 200 000 migrants en France parmi lesquels 25 000 mineurs non accompagnés et 20 000 mineurs accompagnés », indique le Dr Georges Picherot (CHU de Nantes), président du Groupe de pédiatrie générale. Il précise dans la foulée qu’il faut rapporter ces chiffres à celui du nombre total de mineurs en France, soit 13,5 millions de personnes. « Certes, certains conseils départementaux sont débordés par le nombre de mineurs à accueillir et héberger dans le cadre de la protection de l’enfance. Mais notre système de santé est largement capable de prendre en charge ces mineurs migrants », estime le Dr Picherot.

Exergue : « Notre système de santé est largement capable de prendre en charge ces enfants »

Que sait-on de la santé de ces populations migrantes ? « Là encore, pour avoir des informations fiables, il faut croiser les sources provenant à la fois des permanences d’accès aux soins de santé (Pass) hospitalières et des organisations humanitaires, telles que Médecins du Monde (MDM), la Croix-Rouge, Médecins sans Frontières (MSF), le Comède », indique le Dr Picherot. Ces éléments ont été synthétisés dans un numéro spécial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), le 5 septembre dernier (1).

De la malnutrition à l’obésité

Le BEH souligne d’abord un très faible accès à la prévention de ces enfants et adolescents migrants. « Cela se voit notamment au niveau de la vaccination. Par exemple, un rapport sur 764 enfants accueillis dans les centres européens de MDM montre que 40 % n’ont jamais été vaccinés contre la rougeole, 30 % contre le tétanos et 40 % contre l’hépatite B. Il existe aussi un fort déficit de prévention au niveau de la nutrition. Ces mineurs ont en général accès à une nourriture de très mauvaise qualité, un peu comme les personnes sans abri. Et on constate souvent qu’ils passent souvent d’une phase de dénutrition à une consommation d’aliments gras et sucrés, ce qui conduit certains à avoir un problème de surpoids ou d’obésité ».

Une expatriation pour des causes non médicales dans 97 % des cas

Ces jeunes consultent pour des problèmes variés. « Certains présentent des pathologies issues des pays d’origine (parasitose, leishmaniose), mais ce n’est pas le plus fréquent. Les deux tiers des consultations sont motivées pour des pathologies infectieuses ou respiratoires, avec de nombreux cas de tuberculose ou d’hépatite A notamment. Un tiers des patients sont porteurs de pathologies chroniques, en particulier de l’asthme ou de l’obésité, indique le Dr Picherot, en réfutant l’idée que ces migrants viendraient en France pour être soignés. Seulement 3 % de ces migrants ont quitté leur pays pour une raison médicale. Dans 60 % des cas, leur départ est lié à des raisons économiques. Il y a aussi des migrations familiales et bien sûr des départs liés à des raisons politiques ou pour fuir la guerre ».

Tests osseux : contre l’éthique et pas validés

Le Dr Picherot s’insurge aussi contre la pratique des tests d’âge osseux, que les autorités réclament aux médecins pour savoir si le jeune est mineur ou majeur. « Toutes les instances de la profession se sont élevées contre cette pratique, qui va contre la déontologie des médecins. Nos examens doivent toujours apporter un bénéfice au patient, et ne peuvent pas être utilisés à des fins d’exclusion. En outre, ces tests sont validés pour évaluer le développement pubertaire et pas pour évaluer la minorité ».

D’après un entretien avec le Dr Georges Picherot (CHU de Nantes) président du Groupe de pédiatrie générale
(1) http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/19-20/pdf/2017_19-20.pdf

Antoine Dalat
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Source : Bilan Spécialiste