Prescription « hors AMM » : un généraliste se voit réclamer 65 061 euros d'indus par sa caisse

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Publié le 12/11/2018
prescription hors amm

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Crédit photo : S. Toubon

L'application « sans discernement » des règles juridiques de prescription par la Sécu est régulièrement dénoncée par les syndicats de praticiens libéraux. Dernière affaire en date, la Fédération des médecins de France (FMF) révèle la situation jugée « ubuesque » d'un médecin généraliste installé à Istres (Bouches-du-Rhône), auquel est réclamé environ 65 000 euros pour une prescription indue de médicaments hors autorisation de mise sur le marché (AMM) entre 2015 et 2018. 

À la suite du départ à la retraite d'un médecin de son secteur, le Dr R., 68 ans, a en effet pris en charge un patient de 63 ans souffrant d’une pathologie rare (pancréas divisum source de multiples poussées de pancréatite aiguë hyperalgique). Pour ce patient, il a reconduit « spontanément son traitement par la somatostatine » prescrit par ses prédécesseurs depuis...1996.

En juillet 2018, le généraliste a reçu un courrier de la caisse primaire des Bouches-du-Rhône lui notifiant de payer « 65 061,90 euros », correspondant aux indus remontant à trois années (chaque traitement coûtant environ 2 200 euros par mois). Dans ce courrier, la CPAM évoque explicitement la prescription indue de médicaments, hors AMM, en infraction avec le code de la santé publique.

« Grand étonnement »  

Selon la réglementation, le médecin a la possibilité de prescrire de façon encadrée un médicament « hors AMM », c'est-à-dire pour d’autres indications que celles pour lesquelles le médicament a reçu son autorisation de mise sur le marché. Le prescripteur doit informer le patient de l'absence d'AMM de la prescription, de l'absence d'alternatives thérapeutiques, des bénéfices/risques, des conditions de prise en charge par l'Assurance-maladie. L'ordonnance comporte la mention spécifique « prescription hors AMM ».

Le Dr R. a formulé le 19 septembre un recours auprès de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône. Dans ce courrier, il fait preuve de son « grand étonnement » sur la notification à payer 65 000 euros. Il fait valoir que « la molécule a été prescrite à partir de 1996 par un médecin spécialiste en gastroentérologie et médecine interne et maintenue au long cours à la suite de l'intervention du président de la république, Jacques Chirac, sensibilisé sur la situation (...) et qui avait demandé un examen attentif de la part des services concernés »

Y a-t-il eu un malentendu ? « La CPAM est parfaitement au courant de la situation puisqu’en 1996 la famille du patient avait saisi la présidence de la République, le médecin prescripteur et le service médical de la CPAM 13 pour demander une dérogation aux règles de prescription », affirme le Dr Michel Sciara, vice-président de la FMF PACA, saisi de ce dossier. « Le Dr R. ne savait pas que cette prescription était hors AMM car le patient prend ce médicament depuis 1996 et il serait régulièrement remboursé. »

Bonne foi

Au regard du montant énorme de l'indu, « la CPAM aurait dû au moins l'alerter pour lui permettre de s'expliquer, ajoute l'élu FMF, amer. Il faut peut-être prévoir un mécanisme pour savoir si le médecin est de bonne foi... En tout cas c'est une situation intolérable car une fois que ce médecin a arrêté de prescrire ce médicament, son patient a été hospitalisé et on lui a prescrit la somatostatine... à l'hôpital ».

Contacté par « le Quotidien », le Dr Jacques Ronin, médecin-conseil de la CPAM, confirme que « les prescriptions hors AMM ont été constatées sur les ordonnances du Dr R. » et que « l'indu a été demandé ». « C'est au médecin de s'expliquer devant la commission de recours amiable qui va se pencher sur le caractère intentionnel du médecin. La commission peut annuler ou maintenir l'indu. Tant que les voies de recours ne sont pas terminées, la demande de remboursement de l'indu est suspendue. » 


Source : lequotidiendumedecin.fr