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Promouvoir la thrombolyse in situ

Publié le 08/06/2017
Marseille nord

Marseille nord
Crédit photo : Phanie

L’embolie pulmonaire (EP) est une affection fréquente grevée dans ses formes les plus sévères d’une mortalité élevée (>18%). Pour autant peu de progrès ont été réalisés au cours de ces dernières années dans la prise en charge des formes les plus graves. La reperfusion par thrombolyse systémique (IV) est indiquée dans les EP compliquées de choc ou de détresse respiratoire réfractaire (grade I). Elle peut également être envisagée dans les EP à risque intermédiaire haut (élévation de la troponinémie/BNP + signes de souffrance VD/élévation PAPS à l’échocardiographie + score PESI classe 3-4) avec signes cliniques de retentissement hémodynamique (TJ…) [1].

La reperfusion pour réduire le risque hémorragique

Cependant, la thrombolyse IV (Actilyse) est associée à un taux d’hémorragies graves de l’ordre de 20 % et d’hémorragies intracrâniennes de 3 % dissuadant son usage dans les EP à risque intermédiaire. L’évolution sous anticoagulant seul des EP à risque intermédiaire est associée à une surmortalité importante en particulier en cas de dilatation VD. Les dernières recommandations européennes suggèrent d’élargir les indications de reperfusion en privilégiant de nouvelles techniques. La reperfusion doit en effet faire appel à des dispositifs innovants permettant de réduire le risque hémorragique par rapport à la thrombolyse systémique.

Des doses moins importantes

L’administration des thrombolytiques in situ via un ou deux cathéters placés dans les artères pulmonaires est pratiquée depuis quelques années et permet d’utiliser des doses moins importantes de thrombolytiques (50 mg d’Actilyse) et donc de réduire le risque hémorragique. Les recommandations européennes préconisent ainsi la thrombolyse in situ dans les EP compliquées de choc chez qui la thrombolyse IV est contre-indiquée ou a échoué (grade IIa). Elle peut également être utilisée chez les patients présentant une EP à risque intermédiaire haut qui sont à haut risque hémorragique (grade IIb).

Recours aux ultrasons

s ultrasons afin de favoriser la pénétration du thrombolytique au sein du thrombus pour accroître son efficacité. La mise en place des cathéters est réalisée en salle de d’angiographie. Elle nécessite 2 ponctions veineuses fémorales un cathétérisme droit sélectif des artères pulmonaires droite et gauche puis le franchissement du thrombus par le cathéter. Une fois celui-ci en place un système permet l’injection lente du thrombolytique couplée à l’émission d’ultrasons in situ.

Au-delà du concept intuitivement séduisant, cette technologie repose sur des essais cliniques concluants.

L’étude ULTIMA a inclus 59 patients admis pour EP avec dilatation du VD à l’échographie et tension artérielle conservée. Les patients étaient randomisés en 2 groupes : traitement par héparine non-fractionnée (HNF) vs HNF + thrombolyse via EKOS. Les résultats montrent une réduction significative du diamètre du VD à la 24e heure grâce à EKOS (p < 0,001) et ce sans surrisque hémorragique (1).

0 hémorragie intracrânienne

L’étude SEATTLE II a inclus 150 patients présentant une EP massive (n = 31) ou submassive (n = 119). La dose de thrombolytique était largement diminuée puisque le protocole conduisait à administrer l’Actilyse via le cathéter à la dose de 1 mg/heure/cathéter x 12 heures (en cas de mise en place de 2 cathéters) ou 1 mg/heure x 24 heures (si un seul cathéter était mis en place). Dans cette étude où il n’existait pas de groupe contrôle le taux d’évènements hémorragique se révéla relativement bas : 0 hémorragie intracrânienne, 1 hémorragie grave (hématome du scarpa avec hypoTA transitoire) et 15 patients (10 %) ont présenté une hémorragie modérée nécessitant une transfusion mais sans choc hémorragique associé.

Pour ce qui est de l’efficacité, là encore la dilatation du VD avait régressé à la 48e heure en comparaison avec l’admission (p < 0,0001). Il en était de même pour les pressions artérielles pulmonaires (p < 0,0001) [2].

Réseaux de soins

Avec l’apparition de ces nouvelles techniques de reperfusion, il est crucial que se développent des réseaux de soins « Embolie Pulmonaire » associant (urgentiste, réanimateur, cardiologue « intensiviste » et cardiologue interventionnel) pour une prise en charge optimale de ces patients graves et l’accès à ces nouvelles techniques. C’est en ce sens que s’organise le service de Cardiologie de l’hôpital nord de Marseille en collaboration avec le SAMU 13, les services d’urgences et de réanimations du CHU ainsi que des centres périphériques sur le modèle des réseaux de soins SCA ou AVC.

(*)   Service de cardiologie, CHU Nord (Marseille)
(**)   Service d’accueil des urgences, CHU Nord (Marseille)
(***) Service d’accueil des urgences, CHU Timone, Marseille
(****) SAMU 13, CHU Timone, Marseille
(1) ESC guidelines 2014
(2) Kucher et al. Circulation 2014
(3) Piazza et al. JACC Intv 2015

Dr Marc Laine (*), Pr Antoine Roch (**), Pr Pierre Michelet (***), Pr François Kerbaul (****), Pr Franck Paganelli (*), Pr Laurent Bonello (*)

Source : lequotidiendumedecin.fr