LE QUOTIDIEN - N'y a-t-il pas un fossé entre les réformes prévues voilà cinq ans par le plan Juppé et ce qui a été effectivement réalisé ?
RAYMOND SOUBIE - Lorsque l'on regarde avec recul le plan Juppé, l'on constate qu'il était sous-tendu par deux intentions, deux principes. D'abord, la conviction qu'il y avait des réserves de productivité dans le système français de santé, c'est-à-dire que, si l'on arrivait à mieux soigner les patients, dans une plus grande transparence, on ferait aussi des économies. Bref, il y avait dans ce plan la conviction qu'il n'y a pas de contradiction entre la qualité des soins et la politique économique de la santé.
Le second principe du plan c'était que le premier - la recherche de la transparence, de l'évaluation de la qualité - mettrait du temps à s'imposer et qu'il fallait donc prévoir une régulation purement économique des dépenses
Oui, mais on a l'impression que ni l'un ni l'autre de ces aspects n'a porté ses fruits.
Il est clair qu'il ne reste presque plus rien de la régulation économique des dépenses d'assurance-maladie puisque nous connaissons les avatars juridiques (qui ont abouti aux annulations de certaines mesures de régulation, notamment les reversements d'honoraires) et nous connaissons le sort de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (régulièrement dépassé) . Aujourd'hui, le gouvernement se trouve pratiquement sans outil pour sa politique de régulation à court terme des dépenses. Quant à la mise en place du système d'évaluation des soins, à la recherche de la transparence et d'une plus grande qualité, cela se fait avec une très grande lenteur.
L'un des autres objectifs de cette réforme était d'instaurer un certain contrôle démocratique sur la politique de protection sociale, avec notamment l'obligation pour le Parlement de voter chaque année l'ONDAM. N'est-ce pas là un simple exercice de style sans portée réelle ?
Dès lors que l'ONDAM n'est pas respecté et que l'on sait qu'il ne l'est pas, il perd sa crédibilité, donc sa raison d'être. Surtout, depuis bien des années, l'erreur fondamentale des gouvernements a été d'approcher ces problèmes d'abord du point de vue financier. L'équilibre des recettes et des dépenses, c'est important, mais l'important, surtout, c'est d'avoir un système efficient, qui fasse le maximum pour les soins des malades. Si cet objectif est atteint, peut-être qu'il faut alors bien veiller à l'équilibre des dépenses. Mais c'est d'abord à la recherche de la qualité, de l'efficience qu'il faut s'atteler. Et comme la plupart des gouvernements ont un discours d'abord quantitatif et financier, ils manquent les deux objectifs. Ils manquent l'objectif de la qualité et ils ratent l'objectif économique parce que leur discours essentiellement financier hérisse les acteurs du système, les professionnels de santé et autres, sans lesquels aucune politique ne peut être menée.
Mais Alain Juppé dit qu'il y avait urgence en la matière et qu'il ne pouvait se dispenser de l'aspect financier à court terme de son plan.
Je crois que l'équilibre du plan, tel qu'il a été annoncé au départ était un bon équilibre. Le problème, c'est que, dans la pratique, on s'est plus occupé de l'aspect économique et financier que du premier, la régulation du système pour la qualité et la transparence. L'objectif essentiel est passé au second plan, ce qui a eu pour conséquence de délégitimer l'ensemble du plan aux yeux des acteurs du système du soins.
Que reste-t-il à vos yeux de positif dans le plan Juppé ?
C'est un état d'esprit, la recherche d'une meilleure efficience du système de soins. C'est un état d'esprit qui se développe, qui n'a pas encore beaucoup de conséquences concrètes, mais qui va dans le bon sens.
Est-ce que c'est un plan qu'aurait pu faire un gouvernement de gauche ?
Totalement. D'ailleurs, j'ai toujours constaté qu'il n'y a avait pas de grandes différences entre les gouvernements de gauche et de droite sur ces sujets. Je trouve qu'entre ce qu'avait fait Claude Evin et ce qu'a fait le plan Juppé et ce qu'avaient fait les autres ministres de la santé, il y a une très grande continuité.
Hôpitaux, médecine de ville : les ordonnances ont cinq ans
Raymond Soubie : l'erreur, c'est d'avoir privilégié l'aspect économique
Publié le 23/04/2001
- 0 RéactionsCommenter
- Partager sur Facebook
Facebook
- Partager sur X
X
- Partager sur Linkedin
Linkedin
- Partager par mail
Mail
Article réservé aux abonnés
Propos recueillis par Bruno KELLER
- 0 RéactionsCommenter
- Partager sur Facebook
Facebook
- Partager sur X
X
- Partager sur Linkedin
Linkedin
- Partager par mail
Mail
Source : lequotidiendumedecin.fr: 6904
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature