Douleurs chroniques

Réflexions sur les approches complémentaires en rhumatologie

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Publié le 18/01/2018
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Acupuncture

Acupuncture
Crédit photo : PHANIE

Acupuncture, hypnose, neurostimulation transcutanée, yoga, tai-chi, thérapies cognitives et comportementales… ce que le grand public qualifie de « médecine alternative » et qui laisse entendre une complète substitution, mérite la dénomination de « stratégies ou thérapies complémentaires » car elles ne se substituent pas à l’existant mais le complètent.

Des armes thérapeutiques à ne pas négliger

Toute intervention proposée au patient a un effet non spécifique (placebo ou nocebo), influencé par l’effet d’attente c’est-à-dire l’avis a priori favorable ou défavorable du patient sur l’approche. Lorsque l’effet d’attente est positif, les résultats sont optimisés. « Des séances d’acupuncture chez un lombalgique seront d’autant plus efficaces que le patient a un avis favorable sur l’efficacité de la technique » donne comme exemple le Pr Françoise Laroche, responsable du Centre évaluation et traitement de la douleur au CHU Saint Antoine, Paris, suite à une étude (1) publiée sur le sujet. À cet effet d’attente s’ajoute l’effet d’apprentissage. « Des séances d’ostéopathie soulagent d’autant plus qu’elles ont antérieurement été couronnées de succès. L’inverse est vrai : si la première séance n’a pas été efficace, les suivantes risquent de moins bien fonctionner » poursuit-elle, précisant que « Le fait qu’un patient demande une thérapie complémentaire mérite d’être pris en considération. Cette demande signifie qu’il en attend des résultats qui seront donc optimisés ». Dans l’arthrose et la fibromyalgie des études montrent que le tai-chi fait mieux que l’exercice physique simple sur des paramètres, non pas physiques de type fonctionnels mais aussi émotionnels et cognitifs (dépression, anxiété, estime de soi…).

Encadrer les pratiques

Les efforts se multiplient pour définir le périmètre d’utilisation des approches complémentaires et leur encadrement. En 2012 l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) a établi un rapport sur les médecines complémentaires à l’AP-HP (essentiellement acupuncture, hypnose, ostéopathie), promu 9 projets de recherche pour évaluer leur efficacité et émis des recommandations de bonnes pratiques. En 2013, l’Académie de médecine a reconnu que « certaines thérapies complémentaires ont un intérêt modeste dans des cas limités ». Enfin, actuellement se constitue sous l’égide du Collège National de thérapeutique, le Collège universitaire des médecines intégratives et complémentaires, pour encadrer les approches complémentaires dans le cadre universitaire (techniques, enseignement, recherche, recommandations).

« En rhumatologie, dans les douleurs de l’arthrose, de la lombalgie et de la fibromyalgie, l’analyse des études cliniques de thérapies complémentaires ne met pas en évidence de preuve flagrante d’efficacité », explique le Pr Laroche, auteur en 2017 d’un article de l’Encyclopédie Médico Chirurgicale (2) sur le sujet. Mais elle souligne l’intérêt de mettre en balance les résultats empiriques par rapport à la médecine basée sur des preuves. « Les limites méthodologiques des études actuelles peuvent expliquer des résultats médiocres alors que dans la vraie vie les patients en tirent un bénéfice », indique-t-elle. Pour avancer et mieux évaluer les résultats, la spécialiste conclut que « Tout protocole de recherche devrait préalablement intégrer un questionnement du patient sur ses attentes et son apprentissage préalable. Trois questions suffiraient. Pensez-vous que la technique soit efficace en général ? Qu’attendez-vous personnellement de la technique ? Quelle confiance avez-vous sur l’efficacité de la technique sur vos plaintes actuelles ? ».

(1) Linde K. et al., Pain 2007; 128: 264–71. 
(2) Laroche F. EMC – Traité de Médecine Akos 2017;12(1):1-8 (article 7-0860)

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9632