Théâtre/Némésis

Responsable et coupable ?

Par
Publié le 13/04/2023

Crédit photo : Némésis © Simon Gosselin

Ne pas avoir peur des dilemmes moraux, de la complexité et dans le même temps ouvrir un espace de jeu aux acteurs, c'est le pari réussi de Thiphaine Raffier en adaptant le livre de Philip Roth, Némésis. Sur le plateau des Ateliers Berthier, se noue un drame en trois parties. Dans le premier acte, Newark, tout près de New York à l'été 1944, Bucky Kantor, un jeune professeur de sports tout en muscle se désole de ne pas être sur le front en Europe, comme ses camarades. Il a été réformé, la faute à une vue basse. Mais il va être mobilisé sans le savoir encore sur un autre terrain de guerre, miné par l'absurde et l'injustice, celui où les enfants sont les victimes d'une épidémie (inventée), ici de poliomyélite. Que faire lorsqu'il n'y a rien à faire, à comprendre ? Est-il moral de se réfugier sur une île dans un camp de jeunes ouvert pour l'été ? Pour un temps, le paradis aurait élu domicile sur cette terre où Bucky aura même croqué le fruit avec sa fiancée. La scène se transforme par un coup de baguette magique en comédie musicale avec la présence d'un orchestre. Mais le mal court et ne connaît pas les frontières. Et le paradis à son tour sera dévasté par l'épidémie. Enfin, trente ans plus tard, on retrouve Bucky dévasté par la maladie, il avait à son tour contracté le virus, et par la culpabilité. Il aurait transmis la polio. Mais face à l'incompréhension, au malheur, la seule réponse serait-elle de se draper dans une rigueur morale sans objet ? D'autres réponses étaient possibles. Thiphaine Raffier à chaque étape traduit ces problèmes éthiques en idées de mise en scène. Loin d'être enferré dans la théorie, le drame se plie dans les itinéraires des protagonistes. Et se refuse à l'abstraction. C'est là un spectacle majeur de cette saison. 

 

Némésis, jusqu'au 21 avril, Odéon théâtre de l'Europe, ateliers Berthier


Source : lequotidiendumedecin.fr