La vie et rien d'autre, à l'exception de la littérature, de l'imaginaire, de la France libre, du Général de Gaulle et de sa mère Mina. Elle avait rêvé pour son fils d'un destin littéraire flamboyant, à l'image d'un Victor Hugo ou d'un Léon Tolstoï. Cette yiddishe mame aurait été comblée par l'édition des œuvres de son fils dans la bibliothèque de la Pléiade. Mais comment distinguer le parcours biographique des livres, séparer Romain Gary d’Emile Ajar, le citoyen du monde polyglotte qui écrit en français ou en anglais et le patriote avocat défenseur de l’amour des siens ? Faudrait-il alors parler d'une vie-oeuvre, selon la belle formule de Maxime Decout qui ouvre l'album Romain Gary ? Où l'on joue sa vie non pas sur un coup de dés mais en recommençant encore et toujours, comme pour dé-jouer le temps qui passe, la fuite de la jeunesse, refuser le déclin et la mort. Ici le je est un terrain de jeu où Romain Gary multiplie les identités, se dissimule derrière les traductions et les traducteurs comme au temps de l’enfance où l’on jure, pris sur le fait, « c’est pas moi, c’est l’autre ». Chez Romain Gary, la mélancolie a débarqué très tôt, dès l’enfance. La faute à Mina bien sûr : « Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est ensuite obligé de manger froid jusqu’à la fin de ses jours. Après cela chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. » La suite de l’histoire et sa love story hors norme avec Jean Seberg confirmera le sombre diagnostic. Dans les années soixante-soixante-dix, Romain Gary, l’ancien aviateur de la France libre, était hors sol. Il ironise alors sur les écrivains engagés, déteste le nouveau roman où l’on avait tué le plaisir du récit ; et lance un défi à ce français académique, seul corset qui serait autorisé pour habiller ses inventions verbales. Comment en 1968 s’autoriser à écrire à l’issue du joli moi(s) de mai « il y a quelque chose de profondément répugnant à voir un cortège d’étudiants venir les bras ouverts vers des ouvriers en grève, comme des femelles en chaleur devant les vrais mâles ». Tout était écrit. Cela devait finir mal. Le 2 décembre 1980, RG se tire une balle dans la tête. Émile Ajar n’a rien pu faire. Demeure ses livres, ces deux volumes de la Pléiade qui n’incluent pas son second livre Tulipe et ses films quasi invisibles. Et pourquoi pas demain le Panthéon, le vrai ? Mina l’exige pour son fils. A-t-on le droit de résister à la prière d’une mère ?
Tome 1, 63 euros, Tome 2, 66 euros, sous coffret 129 euros.
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