Brève

Rompre le prévisible

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Publié le 05/01/2017
visuel Expo

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L’art est-il une arme de libération massive ? Une image, juste une image peut-elle sauver le monde ? A l’autre bout du spectre, un simple tract doit-il être envisagé comme un objet poétique ? Dans les années soixante, la pensée était happée par le slogan « tout est politique ». Aujourd’hui, alors que le fond de l’air ne serait plus rouge mais résigné, tout serait-il devenu poétique ? Le catalogue d’exposition conçu par le grand théoricien et historien de l’art Georges Didi-Huberman soulève ces questions et bien d’autres encore. Ici, les idées, les émotions circulent au sein d’un espace Schengen dédié à la liberté de penser. Le voyage affranchi de toute contrainte réglementaire n’est pas une simple promenade de santé. Et se révèle exigeant. Dans le long texte qui clôt le volume, Georges Didi-Huberman retrace une généalogie philosophique sur l’opposition entre la puissance (oubliée) du peuple et le pouvoir. Au centre ou plutôt au cœur se niche le désir de se soulever qui « permet de briser une histoire que tout le monde croyait entendue », d’en rompre la prévisibilité, ajoute l’auteur. Et de rappeler qu’entre 1661 et 1789, 8 528 soulèvements ont été recensés par l’historien Jean Nicolas dans son livre La Rébellion française. Entre un bel hommage à Jérôme Lindon, le créateur des éditions de Minuit, une digression (mais en est-ce une ?) sur la définition de l’amitié proposée par Maurice Blanchot, « nous devons renoncer à connaître ceux à qui nous lie quelque chose d’essentiel », et un portrait d’Henri D. Thoreau, l’auteur américain appelant à la désobéissance civile, l’idée de soulèvement devient une promesse d’avenir. Faut-il y croire ? En attendant, une bouffée de lyrisme, une pincée d’espoir exposent au rêve d’un autre monde ? Est-ce déraisonnable ?

Soulèvements, exposition jusqu’au 16 janvier 2017 au Jeu de Paume, Paris ; catalogue Ed Gallimard, 420 p., 49 euros.


Source : lequotidiendumedecin.fr