L A plus haute juridiction française, qui a examiné le 2 mai, à la demande du parquet général, le volet dit « non ministériel » de l'affaire du sang contaminé, indiquera, après un délibéré, si la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris a décidé, à juste titre, de renvoyer les 134 tomes du dossier au magistrat instructeur Marie-Odile Bertella-Geffroy.
En effet, la chambre d'instruction a relevé, le 10 janvier dernier, que la juge avait mis en examen, initialement, 23 personnes pour « crime d'empoisonnement » avant de les poursuivre, finalement, pour « homicides involontaires », sans jamais les avoir interrogés sur de tels délits. La même instance a annulé des non-lieux partiels, dont avait bénéficié, entre autres, le Pr Jacques Roux, ancien directeur général de la Santé, à propos du maintien de la distribution des produits antihémophiliques non chauffés entre le 1er août et le 1er octobre 1985. Dans son réquisitoire du 2 mai, l'avocat général de la Cour de cassation a requis le renvoi du dossier devant une chambre d'instruction de cour d'appel, et non devant la juge. Pour Régis de Gouttes, premier avocat général, il n'y a pas eu, dans la manière de procéder de Marie-Odile Bertella-Geffroy, de violation des droits de la défense, ni d'excès de pouvoir.
Quinze ans après les faits
Quinze ans après les faits, huit ans après le dépôt de premières plaintes*, les victimes et leurs proches ont des raisons d'être impatients. Plus de 1 300 hémophiles et 2 480 transfusés ont été infectés (VIH), et plusieurs centaines sont déjà morts. Les 30 personnes mises en examen, comme les deux bénéficiaires de non-lieu, les Drs Jean Ducos et Françoise Torchet, doivent faire face, aussi, à l'attente. Parmi les premières, on retrouve le Dr Michel Garretta, aux côtés des Drs Geneviève Leroux et Françoise Verroust, de Marie-Thérèse Pierre (DGS), du Dr Bahman Habibi, de Gérard Jacquain et du Dr Jacques Baudelot, qui, selon Mme Bertella-Geffroy, ont « participé à une logique de mort » et encourent donc trente ans de réclusion. Aux Drs Daniel Vergoz, Françoise Ferrer Le Cur, Yves Laurian, Claire Gazengel, Bernard Boneu et Jean-Pierre Allain, il est reproché des violences involontaires (10 ans). Enfin, toujours d'après la juge, seraient justiciables de non-assistance à personne en péril (5 ans), les Drs Yvette Sultan et Marie-Josée Larrieu ; et d'homicide involontaire (2 ans), les conseillers ministériels François Gros et Louis Schweitzer (Matignon), Charles-Henri Filippi et Patrick Baudry (Affaires sociales) et le Dr Claude Weisselberg (Santé), ainsi que Jean Weber (Institut Pasteur), les Drs Jacques Roux, Jean-Baptiste Brunet (DGS), Robert Netter (directeur du Laboratoire national de la santé), Angèle Essbach, Denis Houssay, Delépine-Fuchs, Najib Duedari (CNTS), Jacques Fournel et Claude Ropartz.
Dans son jugement du 9 mars 1999, la Cour de justice de la République a exonéré les ministres sur la question du retard fautif de la mise en place du dépistage du VIH dans le sang. Marie-Odile Bertella-Geffroy entend démontrer le contraire dans son ordonnance du 20 mai 1999. De janvier à fin juin 1985, il y aurait eu volonté « manifeste, répétée, explicite », de retarder l'homologation du test Abbott, concurrent du test de Diagnostics Pasteur, pour des raisons financières, sanitaires et politiques (protectionnisme national). A cet égard, l'accent est mis sur une note préparatoire à la réunion interministérielle du 9 mai 1985, qui aurait conduit à retarder, de deux mois, l'enregistrement du réactif américain, le temps pour les Français de rattraper leur retard. Au total, la juge parisienne estime que 580 contaminations environ auraient pu être évitées, dont 272 de transfusés entre le 20 mars et le 31 décembre 1985 et de 298 à 315 chez les hémophiles à partir de novembre 1984.
* 28 juillet 1994, première mise en examen concernant le Dr Garretta pour « empoisonnement ».
Deux autres procédures
Le Dr Michel Garretta a été mis en examen le 17 mars 2000 dans un volet financier concernant le CNTS (Centre national de transfusion sanguine), pour « prise illégale d'intérêts, abus de biens sociaux et recel, faux et usage de faux ». Son épouse, la femme de son avocat, Me Xavier Charvet, et trois anciens collaborateurs de l'ancien patron du CNTS sont poursuivis également.
Claude Evin, ancien ministre des Affaires sociales, a été mis en examen le 17 mars 2000 par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République pour « homicide involontaire », en raison du non rappel des transfusés entre 1989 et 1991.
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