Syrie : le Pr Raphaël Pitti appelle les médecins à sortir d'un silence coupable

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Publié le 28/09/2017
Pr Raphaël Pitti

Pr Raphaël Pitti
Crédit photo : AFP

Ce 28 septembre après-midi, 732 noms de soignants seront égrenés sur le parvis de l'Hôtel de Ville à Paris : les noms des soignants syriens morts depuis le début du conflit dans leur pays en 2011. L'Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM) qui dénonce depuis six ans le sort de « ces victimes d'un système barbare », souhaite ainsi aujourd'hui leur rendre hommage, explique le Pr Raphaël Pitti, responsable du pôle formation et administrateur de l'UOSSM, au « Quotidien ». « Nous pensons à eux comme des martyrs qui ont donné leur vie, qui se sont sacrifiés pour soigner les autres », souligne-t-il.

Les soignants morts sont sûrement plus nombreux que 732. Mais ces personnes-là, ces 523 médecins, 85 infirmiers, 78 pharmaciens, 39 techniciens médicaux, et 7 secouristes) ont été authentifiées (grâce aux directorats de santé en Syrie et aux ONG Violation Documentation Center, Physicians for Human Rights, et Syrian Network for Human Rights).

Certains sont morts sur la route entre les hôpitaux du Nord de la Syrie et la Turquie. Ils avaient fui avec leur famille, mais revenaient tous les quinze jours travailler en Syrie pour les ONG. D'autres sont morts en exerçant leur art. Comme « le chirurgien Ali Darwhish qui est resté jusqu'à la fin d'une opération chirurgicale, alors qu'il y a eu un bombardement avec du chlore dans l'hôpital de Latamneh », raconte le Pr Pitti. Le mémorial « doctors in danger » raconte leurs histoires, et propose une immersion dans l'hôpital Bab Al-Hawa, hôpital de l'arrière construit dans un centre commercial à la frontière turque.

Une pétition pour défendre le droit humanitaire

Parallèlement, le Pr Pitti a lancé une pétition ayant déjà reccueilli 45 000 signatures, qui demande le respect du droit international humanitaire. « Il y a une régression sur le plan du droit international humanitaire, tout ce qui a été acquis au XXe siècle est bafoué ; les condamnations de l'ONU, des États, ne sont pas suivies d'actes forts », explique le Pr Pitti. L'UOSSM, accompagnée de Médecins du monde (également présent pour l'hommage de ce jour) et de Médecins sans frontières, avait alerté François Hollande en décembre 2016, qui avait lancé un « ultimatum humanitaire ». « Mais encore la semaine dernière, six hôpitaux ont été bombardés ! » s'indigne le médecin anesthésiste.

Aujourd'hui, le Pr Pitti réclame l'application de la résolution 2286 (2016) qui condamne fermement les attaques en temps de guerre contre les hôpitaux et les personnels soignants et exhorte les gouvernements à agir contre les responsables. Et demande l'ouverture de corridors humanitaires protégés pour porter secours à la population.

Dans tout ce concert de silences, politiques et diplomatiques, nationaux et internationaux, le Pr Pitti dénonce l'absence de réaction du corps médical Français. Le Pr Pitti avait publié dans nos colonnes en 2012 une lettre aux professionnels de santé. « Rien n'a bougé », déplore-t-il.

« Le corps médical français parle peu. Il faut défendre notre éthique qui n'a pas de frontière ; notre serment d'Hippocrate nous oblige à porter secours aux gens. Le Conseil national de l'Ordre des médecins aurait dû se mobiliser depuis 2012. Où sont les Prix Nobel de médecine, et de la paix ? Une mobilisation du corps médical dans son entier, national et international, aurait pu avoir plus de force que des adresses aux politiques. Nous avons aussi une part de responsabilité », estime le Pr Pitti. 


Source : lequotidiendumedecin.fr