Grossesse et post-partum

Traiter la douleur, éviter sous-traitements et abus

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Publié le 18/01/2018
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DOULEUR ENCEINTE

DOULEUR ENCEINTE
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Risques abortifs ou tératogènes au 1er trimestre de la grossesse, fœtotoxicité au 2e et 3e trimestre, imprégnation du bébé à naître avant l’accouchement, passage de molécules dans le lait maternel... Le site internet du Centre de référence sur les agents tératogènes www.lecrat.fr, facilite la prescription. Le connaître permet de s’y référer.

Comment traiter une douleur aigue liée à une inflammation ? Privilégier quel que soit le terme de la grossesse le paracétamol (antalgique de palier 1), la codéine ou si elle est inefficace le tramadol (palier 2), la morphine (palier 3) ou les corticoïdes. Tous les AINS sont des anti-prostaglandines! Jusqu’au 5e mois, ne les prescrire que s’ils sont indispensables, à dose et durée les plus faibles et courtes possibles (à l’exception des inhibiteurs de cox-2, contre-indiqués pendant toute la grossesse). À partir du début du 6e mois de grossesse (24 e semaine d’aménorrhée), tous les AINS sont formellement contre-indiqués (1), y compris l’aspirine au delà de 100 mg/jour.

La migraine peut apparaître pendant la grossesse

La migraine est réputée s’amender pendant la grossesse. « Cependant selon Julia Defforge (2), un tiers des migraines s’aggrave ou se déclenche pendant la grossesse », indique le Dr Virginie Piano, algologue, généraliste au CH de Draguignan et Secrétaire général adjoint de la SFETD. Comment traiter la crise ? Les AINS sont contre-indiqués dès le début du 6ème mois. Le centre de référence sur les agents tératogènes préconise les triptans, mais pas la Société française d’étude des migraines et céphalées malgré des données de pharmacovigilance rassurantes (3). Les dérivés de l’ergot de seigle sont à éviter. En traitement de fond, amitriptyline ou propranolol peuvent être prescrits en prévenant anesthésistes et obstétricien (syndromes de sevrage du nourrisson sous amitriptyline, hypoglycémies du nourrisson sous propranolol).

Douleurs chroniques, entre sous-traitement et abus

« Pendant la grossesse, la douleur chronique doit être prise en charge afin d’éviter d’une part les sous-traitements (le principe de précaution est pertinent, mais des traitements de la douleur ont fait la preuve de leur innocuité), et d’autre part les automédications ou abus qui peuvent être dangereux (4, 5, 6)», note le Dr Piano. Si les douleurs chroniques pré-existantes s’améliorent souvent, le mémoire (7) de Sage-femme de Maryse Batonade, fait état de lombalgies déclenchées par la grossesse chez 45% des parturientes.

Les douleurs neuropathiques, peuvent céder sous antidépresseurs (anafranil, laroxyl, voire duloxétine), antiépileptiques (gabapentine, prégabaline, lidocaïne en emplâtre), ou par des thérapies complémentaires : électrostimulation transcutanée (sauf sur le ventre), kinésithérapie, ostéopathie, acupuncture, sophrologie. Une prise en charge psychologique doit être proposée.

Prévoir un rendez-vous 2 mois après l’accouchement pour faire le point sur les douleurs, le moral, la sexualité. «Les femmes souffrant de douleurs chroniques hésitent en post-partum à reprendre le traitement de fond (peur d’effets secondaires sur la vigilance), ne consultent pas et traitent la douleur au coup par coup. Elles sont à haut risque d’abus médicamenteux en codéine, dangereux pour elles (et leur nourrisson si elles allaitent)», souligne le Dr Piano. Environ 15% des femmes ayant accouché par césarienne présentent des douleurs neuropathiques séquellaires à 6 mois au niveau de leur cicatrice (8) qui peuvent être dépistées par le questionnaire DN4 (douleur neuropathique en 4 questions, téléchargeable sur www.sfetd-douleur.org). Si les douleurs résistent aux traitements, un patch de capsaïcine posé en hôpital de jour en vient à bout s’il est pris à temps (dans les 6 premiers mois).

(1) http://ansm.sante.fr/content/download/6122/59405/version/8/file/QR-AINS…
(2) Vocation Sage-Femme, 2015, vol 14 n 113 pp.31-34
(3) Lanteri-Minet M et al, Rev. Neurol., 2013 vol 169(1) pp. 14-29
(4) Coluzzi F. et al., Minerva Anestesiol ;2014 vol.80(2) pp.211-21
(5) Pritham UA et al., J Obstet Gynecol Neonatal Nurs, 2014 vol. 43(5) pp.554-67
(6) Safley RR et al., J Perinat Neonatal Nurs, 2017 vol.31(2) pp.118-125
(7) https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00558463/document
(8) Dualé C. et al., J Pain 2014 vol.15(1) pp. 24.e1-24.e20

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9632