« Les pneumologues doivent mieux communiquer sur le fait que les asthmatiques ne devraient plus être laissés sans traitement (ou avec des traitements insuffisamment efficaces) alors qu’il existe des molécules performantes disponibles, y compris pour les asthmes sévères et/ou avec une corticodépendance », explique le Pr Arnaud Bourdin (CHU de Montpellier).
Un profil parfois complexe
Les analyses réalisées à partir des bases de données pharmaceutiques, qui permettent d’estimer les niveaux de consommation des médicaments, montrent que de 90 000 à 200 000 asthmatiques en France sont en situation d’asthme sévère, au vu de leur consommation. « Le premier paradoxe est que la plupart de ces asthmatiques sévères reçoivent de la cortisone par voie générale et non un anticorps monoclonal : en moyenne, un asthmatique sévère reçoit 3,5 boîtes de Solupred par an ! Or la corticothérapie possède un mauvais profil de tolérance au long cours. Le second paradoxe est qu’à peine un tiers de ces patients consultent un pneumologue », déplore le Pr Bourdin.
Avant d’espérer contrôler leur maladie, ces patients doivent donc comprendre qu’ils ont un asthme sévère relevant d’une prise en charge spécialisée. Ce n’est pas si évident. On compte environ 1 000 décès annuels liés à l’asthme, dont une moitié seraient évitables avec une prise en charge adéquate. Mais l’un des freins à cette prise en charge est le profil parfois complexe de ces asthmatiques sévères. « Le fait de fumer ou de se droguer, de présenter une pathologie psychiatrique ou un fort niveau d’hyperréactivité bronchique, de ne pas avoir de traitement de fond ou de ne pas savoir l’utiliser, ou encore de ne pas percevoir les symptômes en lien avec l’asthme peut conduire à ces situations dramatiques », souligne le Pr Bourdin.
Des objectifs ambitieux correspondant aux thérapeutiques existantes
« Les objectifs du pneumologue sont de permettre à l’asthmatique sévère de ne plus avoir de symptômes au quotidien et de limiter les risques à long terme, détaille le Pr Bourdin, notamment ceux liés aux effets secondaires de la cortisone, au déclin de la fonction respiratoire et aux exacerbations sévères. Avec les médicaments à disposition en 2018, il est tout à fait possible de transformer la vie des asthmatiques sévères. Au moins la moitié d’entre eux vont pouvoir être sevrés de la cortisone orale tout en réduisant leur risque de faire des exacerbations de l’ordre de 60 % et en améliorant leur fonction respiratoire en 4 à 6 mois. »
Les traitements ne cessent de s’enrichir : après le mépolizumab et l’omalizumab, vont arriver le dupilumab (encore en ATU), le benralizumab et le reslizumab, qui viennent d’obtenir leur AMM européenne, puis d’autres encore, à un horizon pas si éloigné. Étant donné que les mécanismes en cause ne sont pas les mêmes d’un asthme sévère à l’autre, il est utile de disposer de plusieurs traitements qui vont agir à des niveaux différents.
La recherche du mécanisme principal chez un malade donné est donc primordiale : outre les prises de sang, les tests allergiques et la fibroscopie bronchique, d’autres marqueurs sont à l’étude (scanner du poumon, des sinus, dosage de la fraction exhalée du monoxyde d’azote, etc.). Enfin, « ces médicaments étant onéreux, ils doivent être réservés aux vrais patients asthmatiques sévères et non à ceux qui ne sont pas correctement pris en charge ou qui n’adhèrent pas à leur traitement[lire p 24], insiste le Pr Bourdin. C’est pourquoi une consultation dans un centre spécialisé dans la prise en charge de l’asthme sévère ou chez un pneumologue participant à des réunions de concertation sur l’asthme sévère est toujours utile. »
exergue : la plupart reçoivent de la cortisone orale et pas d'anticorps monoclonal
Entretien avec le Pr Arnaud Bourdin, département de pneumologie, CHU de Montpellier
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