Un duo gagnant face aux maladies systémiques

Au quotidien, la Pr Noémie Jourde-Chiche travaille étroitement avec les services de médecine interne de l’APHM à Marseille : « Néphrologues et internistes ont un intérêt certain à collaborer pour deux types de situations. Le premier concerne la prise en charge des atteintes rénales des maladies de système dont s’occupent les internistes, et le second le traitement des conséquences systémiques des maladies rénales chroniques, en particulier de nature cardiovasculaire et infectieuse. »

Les néphrologues travaillent avec les internistes d’abord pour la prise en charge du lupus érythémateux systémique. « C’est une prise en charge multidisciplinaire dans laquelle les néphrologues ne font pas uniquement les biopsies rénales, même si celles-ci sont très importantes pour évaluer la sévérité de l’atteinte rénale et indiquer le traitement. Ils peuvent aussi participer à la prise en charge coordonnée de la pathologie avec les internistes », poursuit la Pr Jourde-Chiche.

Les néphrologues peuvent aussi s’impliquer dans la prise en charge d’une autre famille de maladies de système : les vascularites systémiques. « Le suivi néphrologique est particulièrement rapproché lors de la poussée rénale ou lorsque l’atteinte rénale est la plus sévère. Une fois que la maladie rénale est mise en rémission, on reprend un suivi alterné avec les médecins internistes et on participe à la prise en charge globale du patient, en particulier pour la gestion de l’hypertension artérielle, des troubles de la volémie, de l’insuffisance rénale chronique et ses complications et des complications des traitements immunosuppresseurs. Les néphrologues sont très habitués à ces traitements, assez proches de ceux utilisés en transplantation rénale », explique la Pr Jourde-Chiche.

Néphrologues en réseaux

Aujourd’hui, il existe plusieurs réseaux de néphrologues particulièrement engagés dans la prise en charge des maladies systémiques avec atteintes rénales. On peut d’abord citer le Groupe coopératif sur le lupus rénal (GCLR), dirigé par le Pr Eric Daugas, et dont la Pr Jourde-Chiche est secrétaire. « Nous travaillons avec des internistes, notamment dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique (WIN-lupus) que je coordonne sur le sevrage du traitement immunosuppresseur dans le traitement d’entretien des néphropathies lupiques, précise la Pr Jourde-Chiche. Nous menons également des recherches pour mieux comprendre la physiopathologie de l’atteinte rénale du lupus, afin de prévenir le développement d’une insuffisance rénale chronique, tout en limitant les effets secondaires des traitements immunosuppresseurs. »

Il existe aussi le Groupe français d’étude des vascularites (GFEV), coordonné par le centre de référence de Cochin, dont le conseil scientifique est composé de néphrologues et d’internistes. « Nous travaillons sur les recommandations pour la prise en charge de ces maladies et la rédaction de protocoles de recherche pour améliorer l’efficacité des traitements tout en diminuant leur toxicité », indique la Pr Jourde-Chiche, en précisant que ce travail se fait dans le cadre de la filière des maladies auto-immunes rares.

« Au cours des maladies systémiques, l’intérêt de cette approche multidisciplinaire, en plus de la complémentarité de nos expertises, est que nous sommes plusieurs médecins à pouvoir prendre en charge le patient en cas de poussée ou de complications. Si l’interniste n’est pas là ou est débordé, le néphrologue peut prendre le relais sans problème, argumente la Pr Jourde-Chiche, ajoutant enfin qu’il existe dans certains établissements en France des soins intensifs néphrologiques. Ils peuvent être très précieux pour les patients atteints de formes sévères de maladies systémiques. »

Entretien avec Noémie Jourde-Chiche, professeur de néphrologie à l’université d’Aix-Marseille, travaillant au centre de néphrologie et transplantation rénale de l’hôpital de la Conception à Marseille (APHM).