Prise en charge du patient dyslipidémique

Une approche individualisée plus affinée

Publié le 13/05/2009
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L’ÉVALUATION DU risque cardio-vasculaire global du patient dyslipidémique repose sur le dénombrement des facteurs de risque (FdR) que sont l’âge, le sexe, l’hérédité, l’hypertension artérielle, le diabète, le tabagisme et la valeur du HDL cholestérol. La glycémie systématique fait partie du bilan complémentaire. Trois niveaux de risque cardio-vasculaire (RCV) : faible, intermédiaire et haut sont ainsi définis, auxquels correspondent, en prévention primaire, trois objectifs thérapeutiques de LDL cholestérol à respecter. Ces valeurs prennent en compte le rapport bénéfice/risque du traitement (1). Toutefois, si 85 % des patients ayant un événement cardio-vasculaire (ECV) ont un ou plusieurs FdR, une récente métaanalyse a montré que 62 % n’en avaient aucun ou un seul. Comme le précise le Dr Philippe Tarabbia, «  c’est chez ces patients, les plus nombreux, qu’il faut s’attacher à détecter un risque particulier et chez lesquels les explorations et la prise en charge thérapeutique doivent être plus incisives ».

Des éléments supplémentaires affinent l’appréciation du risque individuel.

Pour un patient donné, l’adjonction de paramètres cliniques de risque supplémentaires aux facteurs classiques augmente la puissance prédictive de survenue d’un ECV. Les éléments à prendre en compte sont le stress psychosocial, l’obésité centrale avec le rapport taille-hanche et le périmètre abdominal, et le respect ou non des règles hygiénodiététiques  : alimentation, activité physique et alcool (2). D’autres paramètres cliniques comme la dysfonction érectile – qui correspond au premier stade de la maladie athéromateuse – le syndrome d’apnées du sommeil ou la polyarthrite rhumatoïde placent le patient dans un contexte de risque supplémentaire. Sur le plan biologique, il existe une relation linéaire entre le taux de LDL et le RCV. Plus le HDL est bas plus le RCV s’élève. Les triglycérides restent un facteur de risque. Le cholestérol non HDL, qui regroupe toutes les particules athérogènes, a une puissance prédictive supérieure au LDL. La CRP a suscité beaucoup d’espoir. C’est un marqueur de l’inflammation très sensible, mais peu spécifique. Il se révèle pertinent à l’échelle d’une population pour séparer les groupes à risque mais, à l’échelon individuel, il reste peu discriminant. De plus, une étude récente menée chez plus de 30 000 patients en prévention primaire a montré que ce biomarqueur variait suivant le génotype des patients sans que les sujets dont le génotype correspond à une CRP plus élevée aient un risque cardio-vasculaire supplémentaire. Il devient alors difficile devant une élévation de la CRP, à moins de réaliser systématiquement une recherche de polymorphisme, de faire la différence entre le témoin d’une maladie athéro-thrombotique et la présence d’un gène majorant artificiellement son taux sans qu’elle traduise un risque cardio-vasculaire accru. D’autres paramètres infracliniques, témoins de la rigidité artérielle ou des premiers stades de la mamaldie athéromateuse, peuvent ajouter une valeur discrimante à l’évaluation du RCV individuel. En pratique, commente le Pr Christian Spaulding, «  les études de cohorte permettent de définir un RCV à l’échelle d’une population, mais, à l’échelon individuel, l’évaluation passe par un interrogatoire et un examen clinique exhaustif quantifiant les FdR traditionnels et les autres paramètres. A l’avenir, il est possible d’imaginer évaluer le RCV d’un patient grâce à une cartographie génétique ou à une IRM coronaire qui apprécierait de façon plus fine qu’actuellement les plaques d’athérome  ».

Les statines en prévention primaire réduisent le RCV relatif de près d’un tiers.

Sur le plan thérapeutique, en prévention primaire, toutes les études réalisées ont établi que plus le LDL cholestérol est abaissé plus le RCV est réduit (4-8). Le traitement, qui s’appuie sur les statines, doit être adapté au niveau de risque de façon à dégager le meilleur rapport bénéfice/risque : LDL < 2,2 g/l, s’il n’existe aucun facteur de risque ; LDL < 1,9 g/l pour un seul FDR ; < 1,6 g/l pour deux FDR et < 1,3 g/l pour trois FDR et plus. La corrélation entre la baisse du LDL et la diminution de l’incidence des événements cardio-vasculaires ne semble pourtant pas applicable à tous les patients, notamment à ceux qui ont une maladie chronique évolutive telle qu’une insuffisance cardiaque ou une insuffisance rénale (9,10).

Les espoirs portés par l’augmentation du HDL sous traitement pour améliorer le pronostic viennent d’être battus en brèche par une toute récente métaanalyse qui a montré l’absence de corrélation entre les modifications de HDL sous traitement et le risque d’événements coronariens (11). Pour François Diévart «  la question est de savoir si ce HDL, dont les taux sont augmentés sous traitement, est bien similaire à celui dont la fonction est protectrice à l’état physiologique  ».

En prévention secondaire les statines en traitement intensif sont justifiées.

En présence d’antécédents de maladie cardio-vasculaire avérée ou de risques équivalents, les concentrations de LDL doivent être inférieures à 1 g/l (2,6 mmol/l). En pratique, un certain nombre d’études, notamment PROVE-IT, ont démontré l’intérêt de donner systématiquement de fortes doses de statines (80 mg d’atorvastatine) chez les patients hospitalisés pour un syndrome coronaire aigu, quel que soit le taux de LDL. Le traitement intensif réduit dès le trentième jour, et de façon significative à 90 jours, le nombre d’ECV comparativement à une dose thérapeutique standard (40 mg de pravastatine) (12). Le Pr Spaulding précise que «  ces fortes doses doivent être données sans même qu’un bilan biologique préalable soit nécessaire. En revanche, le traitement est à adapter le mois suivant en fonction des résultats biologiques. L’objectif est de conserver un LDL inférieur à 1  g/l  ». Deux études réalisées dans le cadre des angioplasties coronaires et présentées à l’ACC 2009 plaident également en faveur de l’utilisation de fortes doses de charge de statines avant la procédure afin de réduire le nombre d’ infarctusse produisant après l’angioplastie (ARMYDA-RECAPTURE et NAPLES II.) Les effets secondaires restent bien sûr à surveiller. Les rhabdomyolyses ne semblent pas plus fréquentes lors de l’utilisation intensive des statines. «  Il convient toutefois d’être vigilant et de diminuer les doses en cas d’apparition de myalgies ou d’effets secondaires », rappelle le Pr Spaulding.

Propos recueillis lors la session « Statines : prise en charge individualisée des patients dyslipidémiques » à laquelle participaient les Drs Philippe Tarabbia (Bayonne) et François Diévart, (Dunkerque) et le Pr Christian Spaulding (hôpital Cochin, Paris), lors du 25 e salon Consensus Cardio & Pratique et d’un entretien avec le Pr Christian Spaulding.

(1) Afssaps. Prise en charge thérapeutique du patient dyslipidémique. Mars 2005.

(2) Yusuf S, et al. Lancet 2004;364:937-952.

(3) Zacho J, et al. N Engl J Med. 2008;359(18):1897-908.

(4) Scheperd J, et al. N Engl J Med 1995;333 :1301-7.

(5) Shepherd J, et al. Lancet 2002;360:1623-30.

(6) Downs JR, et al. JAMA 1998;279:1615-22.

(7) Ridker PM, et al. N Engl J Med 2008;359:2195–2207.

(8) Heart Protection Study Collaborative Group. Lancet 2002; 360: 7-22.

(9) Fellström B, et al. N Engl J Med 2009;360(14):1395-407.

(10) Kjekshus J, et al. N Engl J Med 2007;357(22):2248-61

(11) Ghali W. BMJ 2009;338:a3065,b92

(12) Cannon CP, et al. N Engl J Med 2004;350:1495-504

 Dr LAURIE DANJOU

Source : lequotidiendumedecin.fr