Repérer les fragilités

Une consultation originale dédiée à la marche instable

Publié le 11/05/2015
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« La marche n’est pas une chose automatique et son contrôle implique des fonctions cognitives telles que l’attention, les fonctions exécutives et la mémoire de travail », explique le Dr Bernard Auvinet, rhumatologue à Laval et chercheur associé à l’Université de Rennes. Impliqué dans des travaux de recherche sur la marche humaine depuis plus de 15 ans, ce praticien est à l’origine de la mise en place, il y a 4 ans, d’une consultation originale appelée « Marche Instable ».

Grâce à la collaboration établie entre des médecins de la polyclinique du Maine et de l’hôpital du Haut Rocher de Laval, elle réunit différentes spécialités et est entièrement dédiée aux troubles de la marche, plus particulièrement à la marche instable du senior.

« La marche instable ou gait instability est une occurrence très souvent utilisée dans la littérature avec plus de 5 600 références dans PubMed. Souvent mal identifié, c’est pourtant un symptôme clinique qui précède parfois de plusieurs années des situations beaucoup plus sévères que sont les chutes à répétition et les états prédémentiels conduisant à l’invalidité », explique le Dr Auvinet qui a communiqué auprès des généralistes mayennais pour constituer au fil du temps un réseau local très actif. Adressés par leur médecin traitant, les patients bénéficient lors de cette consultation d’un bilan infirmier, médical et d’une analyse poussée de la marche.

Analyse en simple et double tâche

Cette consultation Marche Instable qui apparaît comme « complémentaire à la consultation Mémoire », comporte ainsi plusieurs phases : auto-questionnaires, bilan locomoteur, examen neurologique et gérontologique et tests de marche en simple et double tâche. « L’analyse de la marche en double tâche a été proposée pour évaluer la réserve cognitive du sujet âgé et renseigner sur la participation des déficits cognitifs dans les troubles de la marche. C’est une aide pertinente au diagnostic clinique et au pronostic qui permet d’identifier les personnes à risque et de proposer des mesures préventives », explique le Dr Auvinet.

Grâce au Locometrix, un appareillage mis au point par le Dr Auvinet et le Dr Barrey, chercheur à l’INRA, des variables telles que la vitesse de marche, la cadence, la longueur moyenne du pas, la régularité des cycles de marche et la puissance mécanique développée par le patient sont enregistrées lors des tests. Si celui en simple tâche consiste à marcher en ligne droite à sa vitesse de confort, celui en double tâche introduit une deuxième activité : tout en marchant, le patient doit décompter à voix haute à partir de 50. « Cette méthode permet de reconnaître ce qui est dû à un trouble moteur et ce qui revient à un déficit des fonctions mentales supérieures », explique le Dr Auvinet.

Orienter efficacement la rééducation cognitivo-motrice

Considérant que le coût de la double tâche est lié à la réserve cognitive, les résultats obtenus permettent de dépister chez certains sujets âgés les déficits cognitifs légers exposés aux risques de démence et d’orienter efficacement la rééducation en distinguant ce qui relève de troubles moteurs ou de troubles cognitifs.

Alors que le Dr Auvinet avoue que son objectif principal aujourd’hui est de « transmettre son expérience », cette consultation en réseau Marche Instable a désormais vocation à se développer auprès des gérontologues, neurologues, rhumatologues de ville et de CHU : Amiens et Montpellier sont d’ailleurs déjà engagés dans la démarche.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9411