Gammapathies monoclonales de signification rénale

Une nécessaire collaboration avec les hématologues

Publié le 14/04/2016
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Crédit photo : PHANIE

La découverte simultanée chez les patients de plus de 50 ans  d’anomalies rénales (protéinurie, insuffisance rénale) et d’une gammapathie monoclonale est une situation relativement fréquente, qui soulève une double question. Celle du diagnostic tout d’abord, qui vise à établir la responsabilité de la gammapathie dans les manifestations observées. Et celle de la prise en charge hématologique, qui peut être indiquée en raison des complications rénales alors que la gammapathie en elle-même ne relèverait le plus souvent que d’une simple surveillance en l’absence de critères pour une hémopathie symptomatique avérée.

Des lésions rénales très diverses

C’est pour répondre à cette double problématique que le groupe de recherche international International Kidney and Monoclonal Gammopathy Research Group (IKMG) a développé le concept de  « gammapathies monoclonales de signification rénale », qui regroupe l’ensemble des néphropathies liées au dépôt ou à la précipitation d’une immunoglobuline monoclonale sécrétée par un clone B de faible masse tumorale. Dans ces maladies, la chimiothérapie est le seul moyen actuel de ralentir la progression de l’insuffisance rénale. Les travaux menées par les membres de l’IKMG, néphrologues, hématologues et pathologistes de différents pays, soutenus par des associations de patients, ont permis de préciser le spectre des lésions rénales liées à ces gammapathies et de définir un protocole de diagnostic et de décision thérapeutique. De nombreux patients sont concernés par ces néphropathies, et les lésions rénales sont très diverses, la plus fréquente étant l’amylose AL suivie du syndrome de Randall. « Les objectifs dans ce contexte sont de préciser rapidement le caractère systémique ou non de la maladie, et la nature exact du clone sous-jacent, plasmocytaire ou lymphocytaire, car ces éléments conditionnent la prise en charge », souligne le Pr Frank Bridoux. Dans son travail publié en janvier 2015 (1), l’IKMG précise les modalités du bilan de la gammapathie, les indications  de la biopsie et les techniques permettant sa bonne interprétation, indispensable pour établir un diagnostic précis. « Si besoin, une relecture est réalisée par le centre national de référence, indique le Pr Bridoux. Le dossier du patient doit être discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire dans les cas difficiles. Le pronostic rénal peut être engagé, parfois le pronostic vital, notamment dans l’amylose AL en cas d’atteinte cardiaque associée ».  

Une étroite collaboration néphrologue-hématologue est indispensable pour définir la prise en charge la plus adaptée au patient, en fonction de nombreux paramètres comme l’âge, la présence ou non de signes systémiques, la sévérité de l’atteinte rénale, l’existence d’un projet de greffe rénale ultérieure ou non. Le choix de la chimiothérapie, adaptée au clone sous-jacent, doit également prendre en compte sa tolérance et son profil pharmacocinétique. 

De nombreuses recherches portent sur l’évaluation du potentiel néphrotoxique des immunoglobulines monoclonales, qui découle de leurs propriétés physico-chimiques . « Avec pour objectif à terme de pouvoir déterminer si telle ou telle immunoglobuline est néphrotoxique ou pas », précise le Pr Bridoux. L’arrivée des nouveaux agents thérapeutiques utilisés dans le myélome s’est accompagnée d’une amélioration du pronostic rénal et de la survie des patients, sous réserve d’un diagnostic précoce. C’est bien là l’un des enjeux pour les néphrologues.

 

D’après un entretien avec le Pr Frank Bridoux, centre de référence des amyloses primitives et des autres maladies de dépôts d'immunoglobuline, CHU, Poitiers

(1)  Bridoux F et al. Kidney International 2015;87,698–711;doi:10.1038/ki.2014.408

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste