Une neurotrophine impliquée dans la toxicomanie, le Parkinson, voire la schizophrénie

Publié le 02/05/2001
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L E BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor), tout comme d'autres neurotrophines, est un facteur polypeptidique considéré initialement comme responsable de la prolifération, de la différenciation et de la survie neuronale. Il est capté par les terminaisons nerveuses et subit un transport rétrograde jusqu'au corps du neurone. Un rôle différent est apparu au cours d'observations montrant qu'il est aussi transporté par voie antérograde et qu'il est libéré au moment de la dépolarisation neuronale déclenchant le signal rapide intracellulaire. Il active les potentiels au niveau de neurones centraux. La présence du BDNF est démontrée dans les neurones dopaminergiques au niveau de la calotte pédonculaire.

Le travail publié par Olivier Guillin et coll. dans « Nature » démontre que le BDNF intervient dans les adaptations neuronales à long terme en contrôlant la réponse des neurones cibles à la dopamine.

Les neurones dopaminergiques

Des souris génétiquement déficitaires en BDNF ont fait l'objet d'une partie de l'étude, qui a permis de trouver un effet du BDNF libéré des neurones dopaminergiques, tant au cours de la phase de développement qu'à l'âge adulte : il est responsable de l'induction de l'expression normale du récepteur D3 au niveau du nucleus accumbens. Des rats hémiparkinsoniens ont ensuite été étudiés. Le BDNF est capable d'induire une sensibilisation comportementale en provoquant une surexpression des récepteurs D3 au niveau du corps strié. Des traitements répétés par la lévodopa ont produit une tolérance au produit, sans que les taux de BDNF soient réduits.
« Nos observations donnent des arguments supplémentaires indiquant le rôle du BDNF dans les modifications à long terme de la neurotransmission », déduisent les auteurs. Le processus par lequel le BDNF influe sur la réponse à la dopamine pourrait être un déterminant important dans l'étiopathologie et/ou le traitement de différentes situations impliquant ce neuromédiateur. Ainsi, chez les parkinsoniens, comme cela a été montré sur un modèle animal fiable, une augmentation progressive du BDNF au niveau du corps strié sous la dépendance du traitement par la lévodopa pourrait rendre compte des mouvements anormaux observés lors des traitements à long terme.

Le phénomène de dépendance dans la toxicomanie

Le même processus pourrait être au centre du phénomène de dépendance dans la toxicomanie. Des régions cérébrales riches en BDNF, telles que l'hippocampe ou l'amygdale, sont le lieu de traitement de certains comportements conditionnés. Par là sont traités les signaux associés à la prise de drogues, sous la gouverne des récepteurs D3. Les auteurs font la suggestion suivante : « Des modifications progressives de l'expression du BDNF survenant au cours des prises répétées de drogue pourraient altérer la capacité de réponse à la dopamine et induire les réponses conditionnées par la drogue. » L'instillation de BDNF dans l 'accumbens de rats augmente la sensibilisation comportementale ainsi que la réponse à la cocaïne. L'expression de D3 est élevée dans l' accumbens d'animaux dépendants.
D'une manière plus générale, concluent les auteurs, le BDNF pourrait contrôler les émotions et des conduites sensori-motrices, phénomènes que l'on sait être perturbés dans certains troubles psychiatriques comme la schizophrénie.

Olivier Guillin et coll. (INSERM U109, Paris et Marseille), « Nature », vol. 411, 3 mai 2001, pp. 86-89.

Dr Béatrice VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6910