AUX ÉTATS-UNIS, l'incidence et la prévalence de la goutte ont doublé en quelques décennies. Ce qui a coïncidé avec une augmentation substantielle de la consommation des boissons type « soft drinks », qui correspondent aux boissons sucrées non alcoolisées, ce parallèle ayant été à l'origine du travail. La consommation des boissons non alcoolisées s'est accrue de 61 % chez les adultes entre 1977 et 1997.
Les boissons non alcoolisées ne contiennent pas de purines, mais elles sont fréquemment édulcorées par du fructose ajouté en quantité appréciable. Or le fructose est le seul carbohydrate connu pour augmenter le taux d'acide urique. Ainsi, chez les humains, l'administration orale ou intraveineuse produit une augmentation rapide du taux sérique d'acide urique, témoignée à la fois par une accentuation de la dégradation des nucléotides puriniques et une augmentation de la synthèse de purine.
Pour étudier de manière prospective la relation entre la consommation des boissons sucrées au fructose et l'incidence de la goutte, Hyon Choi et coll. (Boston et Vancouver) ont étudié une cohorte de 46 393 hommes composée de professionnels de santé (dentistes, ophtalmologistes, vétérinaires, pharmaciens…) dans le cadre de la « Health professionnals follow-up study ». Ces personnes ont rempli un questionnaire explorant la prise de 130 aliments sur l'année, à raison d'un questionnaire tous les quatre ans entre 1986 et 1998. Ont été analysées notamment les boissons au cola et autres sodas avec sucres, ainsi que les boissons type « diet » (basses calories, avec et sans caféine, édulcorées avec autre chose que des carbohydrates), et les jus de fruits.
Cinq à six fois par semaine.
Le critère d'évaluation principal consistait en l'incidence de cas de goutte selon les critères de l'American College of Rhumatology.
Pendant les douze ans de suivi, il y eut 755 cas incidents de goutte confirmés. «Le risque s'accroît avec l'augmentation de la consommation du fructose.»
En comparant avec un niveau de référence, qui est une consommation de moins d'une de ces boissons par mois, le risque de goutte est augmenté de 30 % (RR de 1,29, IC 95 % de 1-1,68) pour ceux qui consomment de cinq à six fois par semaine ces boissons. Le RR augmente à 1,45 pour une boisson par jour et atteint 1,85 pour deux.
Chez les personnes ayant les plus fortes consommations de boissons non alcoolisées quotidiennes, le risque de goutte est équivalent à une prise de 30 à 50 g d'alcool par jour (RR de 1,96).
Les investigateurs trouvent aussi que les boissons dites en français « light » (« diet » en anglais), qui sont en fait à basses calories et non sucrées par des hydrates de carbone, n'ont pas d'incidence sur la survenue de la goutte.
Les autres produits contenant du fructose sont également associés à un risque accru de goutte : jus de fruits et fruits riches en fructose, comme les pommes et les oranges.
C'est la première étude à réaliser une telle évaluation, indiquent les auteurs, qui évoquent des mécanismes d'action. Ainsi, le fructose partage un mécanisme de production d'urates commun avec l'éthanol, par une augmentation de la dégradation de l'ATP en AMP, qui est un précurseur de l'acide urique. Par ailleurs, le fructose pourrait augmenter indirectement le taux d'acide urique et le risque de goutte en augmentant l'insulinorésistance et les taux circulants d'insuline.
« British Medical Journal », édition avancée en ligne.
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