Tumeurs cérébrales

Une nouvelle classification

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Publié le 20/06/2016
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La nouvelle classification des tumeurs cérébrales était très attendue. L'ancienne, basée sur les seuls aspects morphologiques, demeurait insuffisante pour apprécier le niveau réel d'agressivité des tumeurs et prédire la réponse aux traitements. La nouvelle classification va donc intégrer des marqueurs moléculaires pour affiner le pronostic : en effet, l'existence ou non dans la tumeur, de mutations sur certains gènes ou un remaniement d'un chromosome peut changer radicalement le pronostic et donc, la stratégie thérapeutique qui en découle.

De plus en plus de biomarqueurs identifiés

« Prenons l'exemple des gliomes malins de grade III de malignité (sur une échelle qui en compte IV de sévérité croissante) : on trouve à la fois des patients dont la médiane de survie est de l'ordre d’un à deux ans et d'autres, avec des médianes de survie qui dépassent les dix ans, selon leur profil génétique. C'est bien la preuve que le classement classique sur le seul aspect histologique, ne suffit plus. Deux marqueurs moléculaires ont pu être identifiés, qui permettent désormais de distinguer ces deux sous populations : il s'agit d'une mutation sur un gène IDH et d'une délétion des chromosomes 1p et 19q. Leur présence est associée à un pronostic beaucoup plus favorable, compatible avec un projet de vie à long terme. En outre, ils suggèrent une chimiosensibilité de la tumeur et rendent donc impératif le fait de proposer une chimiothérapie adjuvante à ces patients, après l'exérèse de leur tumeur et la radiothérapie. À l’inverse, l'absence de ces deux biomarqueurs prédit une évolution moins favorable indiquant la nécessité d'un traitement plus vigoureux », précise le Pr Hoang Xuang. Cet exemple n'est pas unique : d'autres biomarqueurs ont été identifiés dans d'autres tumeurs cérébrales, qui peuvent également éclairer le diagnostic ou le pronostic. Ceux-ci devront être recherchés en routine avec ce que cela sous-entend en termes de faisabilité technologique et de moyens mis à disposition.

La chimiothérapie en première ligne de traitement

Les tumeurs cérébrales primitives ne représentent que 1 % de tous les cancers (alors que les métastases cérébrales sont beaucoup plus fréquentes), ce qui rend compliquée la mise en place de vastes essais thérapeutiques randomisés. Néanmoins, quelques-uns sont réalisés chaque année et dernièrement, certains ont permis de confirmer que la chimiothérapie avait bien sa place en première ligne de traitement dans les tumeurs cérébrales - en particulier les plus fréquentes que sont les gliomes et cela, quel que soit leur grade de malignité - bien que l'on ait longtemps cru que la barrière hématocérébrale représentait un obstacle plus ou moins infranchissable. « Dans les glioblastomes de haut grade, on sait déjà depuis 2005 que l'on multiplie par trois le nombre de longs survivants (plus de deux ans) dans les tumeurs les plus agressives, si l'on associe la chimiothérapie à la radiothérapie. L'an dernier, il a été montré que dans les grades II - a priori mauvais candidats à la chimiothérapie puisque le nombre de cellules cancéreuses en mitose est restreint et que la barrière hématocérébrale est encore très préservée - la chimiothérapie adjuvante à la radiothérapie augmentait aussi très significativement le nombre de survivants à cinq ans », poursuit le Pr Hoang Xuang.

Par ailleurs, de nouvelles perspectives se dessinent, notamment avec les thérapies ciblées. « Pour l'instant, nous avons eu quelques déceptions au regard des premiers résultats prometteurs de l'Avastin qui est un traitement actif, permettant de réduire parfois de façon spectaculaire certaines tumeurs radio et chimiorésistantes (glioblastomes) et à améliorer l'état fonctionnel des patients, mais qui ne semble pas impacter la survie globale comparativement aux bras contrôles dans les essais randomisés. La recherche doit donc se poursuivre pour mieux comprendre les échappements et trouver des biomarqueurs nous permettant d'identifier une sous population de bons répondeurs à ce traitement ».

Champs électriques et ultrasons

Apparaissent enfin des pistes pour certaines originales : selon une étude publiée dans le JAMA en 2015, des personnes atteintes d'un glioblastome et bonnes répondeuses à la radiothérapie, auraient de plus longues rémissions si on soumet en plus leur cerveau à des champs électriques alternatifs de basse fréquence dans le but de perturber les mitoses des cellules cancéreuses résiduelles. « Un autre essai est mené à La Pitié-Salpêtrière, avec cette fois, des ultrasons délivrés en intracérébral, dans l'espoir d'ouvrir la barrière hémato encéphalique et de faciliter l'entrée des chimiothérapies dans le cerveau. Il s'agit d'une étude de phase 1-2, dont les résultats ne sont pas encore connus. Les nanoparticules et la possibilité de délivrer des agents associés, intéressent également d'autres équipes dans le monde. Enfin, la recherche se développe rapidement du côté de l'immunothérapie avec pour objectif de stimuler les lymphocytes actifs antitumoraux, lesquels sont naturellement capables de passer la barrière hémato encéphalique : des essais se mettent en place, boostés par les succès obtenus dans le mélanome », conclut le Pr Hoang Xuan.

D’après un entretien avec le Pr Khê Hoang Xuang, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Paris

Dr Nathalie Szapiro

Source : Bilan Spécialiste