Après arrêt du natalizumab dans la SEP

Une reprise d’activité clinique et radiologique

Publié le 07/06/2012
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LE NATALIZUMAB est un anticorps monoclonal humanisé qui se fixe à la sous-unité alpha-4 des intégrines présente à la surface des leucocytes. Son efficacité en monothérapie a été évaluée dans l’étude AFFIRM qui a porté sur des patients ayant une sclérose en plaques (SEP) rémittente-récurrente ayant présenté au moins une poussée clinique au cours de l’année précédant l’inclusion dans l’étude, et dont l’incapacité était faible à moyenne, avec un score EDSS entre 0 et 5 (1). Le natalizumab est apparu associé à une réduction de 68  % du nombre de poussées à 2 ans et à une progression du handicap chez 17 % des malades, contre 29 % des sujets sous placebo. Le natalizumab constitue donc une avancée considérable dans le traitement de la SEP. Il est indiqué en monothérapie comme traitement de fond des formes très actives et d’évolution rémittente-récurrente de SEP chez les adultes, afin de prévenir les poussées et de retarder la progression du handicap.

Toutefois, les effets indésirables graves observés dans les essais cliniques, notamment trois cas de leucoencéphalite multifocale progressive (LEMP), dont deux décès, ainsi que des réactions allergiques parfois sévères, ont conduit les autorités sanitaires françaises à émettre des recommandations et à mettre en place un plan de gestion des risques, dans lequel s’insère l’étude pharmaco-épidémiologique TYSEDMUS, une cohorte observationnelle, nationale et multicentrique.

Lever l’incertitude après interruption du traitement.

En novembre 2010, après 3 ans d’inclusions, les données complètes de 1 859 patients ont montré qu’environ 13 % d’entre eux avaient arrêté leur traitement. Ces interruptions sont possibles en raison du risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) ou de l’apparition d’effets secondaires, mais aussi d’inefficacité ou pour un projet de grossesse.

Dans les études pivotales, les taux annualisés de poussées ont remonté progressivement à la suite de l’arrêt du natalizumab (2). En revanche, ils n’ont jamais dépassé celui qui avait été observé dans les groupes placebo. L’activité lésionnelle appréciée par IRM a montré qu’après interruption du traitement, le nombre de lésions actives augmentait progressivement pour atteindre un maximum après 6 mois. Un rebond de poussée ou de lésions actives au-delà de ce qui était observé antérieurement n’a donc pu être mis en évidence chez ces patients. Après interruption du natalizumab, la maladie retournait à son activité antérieure en l’espace de quelques mois. Cependant, des cas de poussées particulièrement sévères ont été récemment rapportés après arrêt du traitement. Sur l’IRM cérébrale, ces poussées étaient associées à une augmentation du nombre de lésions en séquence pondérée T2 ainsi que des lésions prenant le gadolinium.

C’est pourquoi une étude évaluant l’activité de la maladie dans les 12 mois qui suivent l’arrêt du natalizumab chez tous les patients exposés au moins une fois au médicament inclus dans l’étude TYSEDMUS a été mise en œuvre. Une analyse de l’évolution clinique et radiologique a été effectuée dans les 12 mois qui ont suivi l’arrêt du traitement.

Les causes d’arrêt du natalizumab les plus fréquentes ont été une allergie ou une intolérance, un manque d’efficacité, ainsi qu’un désir de grossesse et la persistance d’anticorps anti-natalizumab.

Parmi 2 921 patients analysés, 577 (19,75 %) ont arrêté le natalizumab. L’analyse de la courbe de survie de 358 patients ayant arrêté le natalizumab et ayant une durée de suivi non nulle révèle que la médiane de survenue de la première poussée est de 13,1 mois. Parmi les 187 patients suivis au moins 12 mois après arrêt, le délai de survenue de la première poussée se situait plus fréquemment entre 3 et 5 mois.

Sur le plan radiologique, l’analyse de 240 IRM encéphaliques effectuées chez 180 patients après interruption du traitement a révélé une activité lésionnelle inchangée par rapport à la dernière IRM sous traitement chez 56 %. Une majoration de l’activité radiologique a été observée dans 40 % des cas. Enfin, 135 des 577 patients chez lesquels le natalizumab a été interrompu, soit 23,4 %, ont débuté un traitement de fond de la maladie.

Cette étude menée en condition réelle sur une large population confirme l’absence d’effet rebond à l’arrêt du natalizumab. Des données complémentaires sur l’intensité à l’acmé et la récupération de la première poussée après arrêt sont en cours d’analyse et seront présentées en congrès dans le courant de l’année.

* D’après un entretien avec le Dr Caroline Papeix, département de neurologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

Liens d’intérêt : le Dr Caroline Papeix déclare avoir reçu des honoraires en tant que consultant de la part de Biogen Idec, Novartis, Bayer-Schering, sanofi-aventis, Teva Pharma et Roche ; des lecture fees de Bayer-Schering, Biogen Idec, sanofi-aventis et Teva et avoir participé à des essais cliniques pour les laboratoires Biogen Idec, Novartis, Merck Serono, Bayer- Schering, sanofi-aventis, Teva Pharma, Genzyme et Roche.

(1) Polman CH et coll., for the AFFIRM Investigators. A randomized, placebo-controlled trial of natalizumab for relapsing multiple sclerosis. N Engl J Med 2006;354(9):899-10.

(2) O’Connor PW et coll. Disease activity return during natalizumab treatment interruption in patients with MS. Neurology 2011;76(22):1858-65.

(3) Barkhof F et coll. Comparison of MR imaging criteria at first presentation to pre- dict conversion to clinically definite multiple sclerosis. Brain 1997;120: 2059–69.

(4) Papeix C, Vukusic F, Passante N et coll. Les arrêts de natalizumab en pratique clinique : étude observationnelle nationale d’une cohorte de patients traités par natalizumab et inclus dans la base de données nationale TYSEDMUS. Sessions 2012 des Journées de neurologie de langue française, Nice (Abs. W29).

Dr GÉRARD BOZET

Source : Bilan spécialistes