L'absurdité exemplaire d'une crise

Venezuela : farce tragique

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Publié le 07/02/2019
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Venezuela : farce tragique

Venezuela : farce tragique
Crédit photo : AFP

La crise du Venezuela est si grave, si longue et, apparement si irrémédiable qu'elle est devenue une affaire internationale autour de laquelle s'organisent les habituelles coalitions, les pour, les contre, les gauches, les droites. Mais à quoi bon donner une couleur idéologique à un régime, dont le principal acteur, ancien chauffeur de bus, j'ai nommé Nicolas Maduro, a le comportement d'Ubu-Roi ? À quoi bon poser sur l'épave qu'est devenu ce pays une analyse rationnelle ? En réalité, l'héritier de Hugo Chavez, mort en 2013, et du bolivarisme, n'a su que transformer en pétaudière son système inspiré de la dictature du prolétariat. Il n'existe encore que parce que l'armée vénézuélienne ne veut pas le lâcher. Il n'est pas fou, il est totalement incompétent. Il n'est pas nécessairement cruel, il est idiot. Il représente l'avatar d'une « révolution bolivarienne » qui, certes, sous Chavez, a élevé le niveau de vie des pauvres, mais a sombré dans un chaos institutionnel, économique, social, avec des millions d'exilés partis vers les contrées voisines et un peuple qui a faim. 

Le pire des dictateurs aurait fini par tirer la leçon de son échec : pas possible de gouverner de la sorte une nation qui a d'immenses réserves de pétrole qu'elle ne sait plus exploiter. Mais non, Maduro reste au pouvoir parce qu'il ne comprend pas ce qui lui arrive. Même les hommes inintelligents, surtout eux, ont un réflexe de base quand ils sont aux abois : ils répriment. Soutenu par Cuba et par Poutine qui, s'ils exprimaient leurs vraies convictions, considèreraient Maduro comme le fossoyeur de leurs propres ambitions, Maduro pense peut-être sincèrement que tout ça n'est pas si grave, qu'il va parvenir à redresser la situation, qu'il est la victime des manœuvres de Trump, qu'il est menacé par une invasion militaire américaine et que, en réalité, il représente la nationalisme et l'intégrité du peuple du Venezuela. 

L'ultimatum européen

Malheureusement pour lui, il est assis sur un drame humanitaire, de sorte que la patience des Occidentaux et notamment des Européens, devient de la complaisance. C'est pourquoi une demi-douzaine de pays de l'Union (les autres ne veulent pas aggraver leurs relations avec Moscou) ont lancé un ultimatum à Maduro : ou bien il organisait des élections présidentielles ou bien ils reconnaîtraient son opposant, Juan Guaido, président de l'Assemblée nationale du Venezuela, comme chef de l'État. La contre-offre de Maduro, ce sont des élections législatives, bien sûr, car l'opposition, aujourd'hui, est majoritaire à l'Assemblée. Donc les Européens ont fait ce qu'ils avaient annoncé.

Ils ne sont pas au bout de leur peine. D'abord, nous voilà en pleine guerre froide. Ensuite, l'instinct de conservation de Maduro est si puissant que rien, sinon la force, ne le contraindra à se démettre. Dans ce méli-mélo, la menace de Donald Trump d'envoyer au Venezuela un corps expéditionnaire est bien entendu excessive et contre-productive. On retrouverait face à face les adversaires habituels : d'un côté, la Russie, Cuba et peut-être la Chine, de l'autre l'Europe (pas du tout d'accord pour la solution militaire) et tous les Occidentaux. Le fond de l'affaire, c'est qu'à exalter le bolivarisme, on oublie que le seul moyen pour un pays de réussir économiquement et politiquement, c'est la démocratie parlementaire et, en l'occurrence, l'absence de corruption. Alors que Poutine et d'autres, comme Erdogan, tentent de démontrer tous les jours que le pouvoir arbitraire est la seule solution.

De fait, Poutine ne soutient Maduro que parce qu'il a incarné très brièvement à lui seul le triomphe de la « démocrature », expression inventée par Nicolas Baverez. Sinon, ne croyez pas qu'il est enthousiaste au sujet du pantin de Caracas. La question ne porte plus sur Maduro, mais sur son successeur. Le remède à la crise peut être fourni soit par les démocraties occidentales, soit par les Cubains et les Russes. L'avenir du Venezuela dépend de cette alternative.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9722