Xavier Bertrand et Marisol Touraine nient être responsables de la pénurie de masques

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Publié le 23/03/2020
Masque et virus

Masque et virus
Crédit photo : CDC/PHANIE

À qui la faute ? Alors que des médecins réclament déjà des comptes au gouvernement concernant le manque de moyens de protection pour les soignants luttant contre le Covid-19, Olivier Véran a rejeté la faute au gouvernement précédent.

Jeudi soir, le ministre de la Santé a ainsi pointé la baisse continue des stocks depuis plusieurs années. « La base est que nous étions un pays pas préparé du point de vue des masques à une crise sanitaire en raison d'une décision prise il y a neuf ans », a-t-il assuré au Sénat. « En 2010, il y avait dans notre pays un stock d'État d'un milliard de masques chirurgicaux (…) quand je suis arrivé au ministère, il y en avait 150 millions » seulement, selon le ministre. Et celui-ci d’expliquer qu’en « 2011, 2013, il a été décidé que ce milliard de stocks n'était plus indispensable tant les capacités de production mondiales de masques étaient désormais intenses, notamment en Asie ».

Un document daté du 16 mai 2013 par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) préconise en effet de dimensionner les stocks, entre autres, aux « capacités de fabrication et d'approvisionnement pendant une crise ». Or, « la crise sanitaire a frappé la Chine, premier pays producteur au monde », souligne Olivier Véran. Le ministre insiste sur la date du changement de doctrine : « 2013, pas 2020, 2013, c'était une autre mandature ». Samedi, le ministre de la Santé a précisé que la France disposait à l'heure actuelle d'un « stock d’État » de 86 millions de masques, dont 5 millions de FFP2. « Nous prévoyons une consommation de 24 millions de masques par semaine », a-t-il indiqué.

Environ 75 millions de FFP2 en 2015, selon Touraine

Dans une interview accordée dimanche au Parisien, Marisol Touraine, ministre de la Santé pendant le quinquennat Hollande, s’est défendue. « Entre 2012 et 2017, les stocks de masques chirurgicaux ont régulièrement augmenté, et nous les avons reconstitués après les attentats : il y avait 730 millions de masques chirurgicaux en 2012, et 754 millions en 2016 et 2017, affirme-t-elle. Et ce, conformément à la doctrine édictée en 2011 par le Haut conseil de santé publique, qui avait mis la priorité sur les masques chirurgicaux. »

« Que certains prétendent qu'il y a pénurie parce que nous n'aurions pas fait ce qu'il fallait, c'est faux », lance l’ex-locataire de Ségur, qui salue par ailleurs « la manière dont Olivier Véran gère cette crise depuis sa nomination ».

Marisol Touraine assure qu’il y avait en 2015 environ « 75 millions » de masques FFP2 en stock. « Au-delà des chiffres, ce qui compte c'est d'être capable d'avoir les stocks minimaux indispensables et d'être en capacité de réaction immédiate pour en commander et en produire rapidement au moindre signal annonciateur d'une crise », précise l'ancienne ministre.

« Aucun changement » en 2011 et 2012, répond l’entourage de Bertrand

Pour un expert socialiste des questions de santé, interrogé par l’AFP, « le manque de masques ne peut en aucun cas être imputé à des décisions prises il y a dix ans, puisque les stocks sont périssables ». Celui-ci pointe « le changement de doctrine en 2011 de Xavier Bertrand », alors ministre de la Santé, visant à « réduire » des stocks « gigantesques » et « se tenir prêt à les faire fabriquer en cas de besoin ». La doctrine de 2013 cite un avis du Haut conseil de santé datant du 1er juillet 2011.

Dans l'entourage de Xavier Bertrand, on souligne que cet avis de 2011 « ne remettait absolument pas en cause la stratégie d'équipement » des soignants et qu'il n'y a d'ailleurs eu « aucun changement » concernant leurs stocks de masques « ni en 2011, ni en 2012 ». « Il faut se remettre dans le contexte » car « on venait de jeter 95 millions de doses de vaccins » achetés par Roselyne Bachelot contre la grippe H1N1 en juillet 2009, et « qui n'avaient servi à rien », a affirmé à l'AFP un fin connaisseur du dossier.

Raillée pour en avoir trop fait à l’époque, l’ancienne ministre a par ailleurs été réhabilitée ce week-end par une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux (voir ci-dessous). On y voit un député reprochant à Roselyne Bachelot un « gaspillage de deniers publics » lors d'une audition par la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Les « masques sont un stock de précaution (…) destiné à toute sorte de pandémie. Ce n’est évidemment pas au moment ou une pandémie (…) surviendra qu’il s’agira de constituer les stocks », lui répond la ministre d'alors.

Avec AFP


Source : lequotidiendumedecin.fr