L'assassinat de Samuel Paty

Contre l'obscurantisme, l'unité

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Publié le 30/10/2020
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La rapidité des événements, du crime à l'enquête qui a désigné des coupables unis dans la même conspiration, ne m'a pas permis, jusqu'à présent, de les commenter dans ces colonnes. Je souhaite donc aller au-delà des quatre blogs que j'ai consacrés à cette affaire d'importance historique qui nous a renvoyés aux pires heures du terrorisme alors que le procès des complices des frères Kouachi et de Coulibaly n'était même pas terminé.
Macron à la Sorbonne

Macron à la Sorbonne
Crédit photo : AFP

Contrairement à ce qu'en disent les chefs des oppositions, le pouvoir exécutif est à la hauteur de la gravité du crime. Il lui a apporté une riposte policière et judiciaire fulgurante ; par la voix du président, le pays a rendu au professeur d'histoire et géographie, élevé au statut de héros par l'ignoble souffrance qui lui a été infligée, un hommage à la fois sobre, émouvant et inspiré ; il a réussi à rassembler les Français en dépit des critiques et des sarcasmes. L'extrême gauche, pour échapper au soupçon d'islamo-gauchisme, s'est hâtée de contribuer au concert des propos outragés ; la droite et l'extrême droite ont cru bon d'exprimer des commentaires plus subtils, comme si les perspectives électorales, réduites par le projet de report des régionales et des départementales, avaient plus d'importance que la perte d'un fleuron de l'Éducation nationale.

Je ne m'étendrai pas sur ces fausses notes qui ont abîmé une harmonie nationale pourtant souhaitée par les Français. Je dis que le fléau étant identifié, nous ne le combattrons pas efficacement si nous ne sommes pas tous engagés dans la même voie, si nous ne soutenons pas tous l'action de la police et de la justice, si nos évaluations ne vont pas dans le même sens, si nous ne faisons pas de la victoire contre un terrorisme insidieux notre priorité collective et consensuelle. 

Une conspiration

Samuel Paty a été victime d'une conspiration spontanée entre l'assassin et le parent d'une élève, absente lors du cours pendant lequel l'enseignant a montré les caricatures et qui a menti sur les faits. Le terroriste a bénéficié d'une logistique, le transport depuis Évreux jusqu'à Conflans-Sainte-Honorine, du financement qui lui a permis de corrompre deux élèves de l'école afin qu'il identifiât le professeur, du soutien de ceux qui soufflaient leur haine sur son projet mortel. Les responsabilités sont donc établies. L'assassin n'était pas seul. Il était en contact avec un djihadiste de Syrie. Il a été soutenu et manipulé par des personnes pour qui les assassins de Charlie Hebdo et de l'Hypercacher ne seront jamais vengés, constituent une menace très grave pour la société et passeront le reste de leur vie en prison. 

Il ne s'agit donc ni d'un prof qui a dépassé les limites de son métier, ni d'un crime isolé. Il s'agit d'un différend, profond, idéologique, lié à la laïcité et à la liberté d'expression qui nous oppose à l'islam politique et dont nous ne protègerons que si nous sommes tous d'accord pour récuser l'idéologie terroriste, la combattre, et, un jour, éliminer le danger que représente, au cœur même de notre société, l'islamisme radical. Il faut prendre le mal à la racine, d'abord en renforçant notre vigilance, souvent prise en défaut parce que nous sommes un État de droit et que nous n'interpellons pas des suspects sans un minimum de preuves ; ensuite, en combattant les signes avant-coureurs de ce cancer, nous demander par exemple s'il n'existe pas déjà une forme de défi dans le port du voile, s'il n'est pas déjà admis dans des familles musulmanes que la charia se situe au-dessus de la loi républicaine ; si, de notre côté, nous poursuivons avec assez d'acharnement l'intégration des musulmans en leur expliquant qu'ils peuvent exercer leur religion en privé tout en réussissant leur carrière.

Il n'y aura pas de point final à cette bataille contre la radicalité islamiste tant que nous ne n'aurons pas garanti aux musulmans l'égalité des chances ; et tant que nous ne leur aurons pas fait comprendre que la violence insane de quelques-uns d'entre eux les menace et constitue une voie sans issue. Je ne sais pas s'il faut de nouvelles lois pour conduire cette guerre, mais je suis convaincu que notre appareil policier et judiciaire est suffisant pour la gagner. Les assassinats commis par les djihadistes, aguerris ou spontanés, comme celui d'Évreux, sont pires que les crimes de sang de droit commun. Ils sont beaucoup plus violents, ils s'inspirent des pires enseignements du Moyen-Âge ; ils troublent durablement la société. Seul le consensus national nous débarrassera de ce fléau.

 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin