Courrier des lecteurs

Bureaucratie sanitaire

Publié le 06/05/2022

À l'heure où un bilan de l’action gouvernementale en divers domaines, et notamment dans celui des « affaires médicales », au sens large, aurait dû être établi, la crise ukrainienne vint à point nommé… Après les gilets jaunes, le Covid-19, les « manœuvres militaires » du camarade poutine en Ukraine !

Transition toute trouvée entre les élans nostalgiques soviétiques de Wladimir et ceux évoqués par Martin Hirsch, patron de l’AP–HP, dans une page du journal Le Monde qui lui était consacré il y a trois ans (dimanche 28–lundi 29 juillet 2019). Il nous confiait lire Le Monde de A à Z tous les jours depuis ses 16 ans…

Il croyait alors en « l’idéal communiste, seul remède pour lutter contre les insupportables inégalités » et connut le désarroi quand les partis frères français et soviétiques se rangèrent derrière Jaruzelski qui suspendait Solidarnosc et arrêtait Walesa en 1981. « J’ai voulu dire aux camarades que ce n’était pas cela, le communisme que nous voulions ». Pour ce faire, il écrivit au Monde une lettre qui fut publiée. Ce n’est pas tant la complainte du naïf, 1 000 fois entendue, qui ne comprend pas que le sang du patient qu’il ponctionne soit rouge, comme celui de tout ce qu’il a déjà ponctionné, en espérant à chaque prise de sang que celui-ci prenne une autre couleur, plus conforme à celle qu’il voudrait, plus douce, un bleu azur ou vert espérance, par exemple… Combien de naïfs, d'ingénus, enfantera encore notre humanité, qui auront la tentation, malgré tous les échecs historiques passés, de vouloir imposer le bien par la contrainte… Le propre d’un idéal, c’est d’être impossible à atteindre…

Apparemment, on a beau avoir grandi, bien nourri par une République généreuse, toujours prête à accueillir en ces différentes instances (comités, observatoires, agences, commissions, hautes autorités) ce qui, dès leur plus jeune âge, à l’UNEF notamment, se sentent investi d’une mission politique cruciale pour la survie de la nation, on garde quand même les vieux réflexes archaïques liés à « l’idéal communiste de sa jeunesse » …

C’est ainsi, que, sans les lunettes noires qui ont servi à Jaruzelski à souder la Pologne à l'URSS (Coluche), mais avec la même fermeté, Martin Hirsch a pris, face au peuple de l’AP–HP, des mesures que le Général polonais n’avait pas osé prendre face aux métallos de Solidarnosc, il y a 40 ans, mettant à pied les « dissidents » qui dénonçaient la mainmise des administratifs sur le fonctionnement de l’hôpital. Et pourtant, le constat est patent : les bureaux de l’hôpital sont pleins de gens dont on pourrait se passer, et je ne parle pas de celui de Monsieur le directeur !

La France sous perfusion

La France a été maintenue sous cloche et sous perfusion économique pendant deux ans, au seul motif de protéger l’hôpital. L’hôpital est à l’image du reste de la société française : les soignants, deux tiers des salariés, y agissent, travaillant dur, sous le regard tatillon du tiers qui administre. Que de ressources dévorées par ce dernier tiers, qui auraient pu être utilisées pour rendre attractif (salaire, organisation du travail, plan de carrière) le secteur « soignants ». Les infirmières démissionnent, les médecins y exercent de plus en plus à titre étranger, prenant les places que la pénurie organisée par nos gouvernants depuis des décennies a rendues vacantes.

Au sein des hôpitaux, dans la capitale et ailleurs, 1968 a eu la peau des vieux patrons. Aujourd’hui, la santé est entre les mains de ceux-là mêmes qui ont terrassé ces fameux mandarins pour les remplacer par une sorte de Soviet Suprême dont ils sont, évidemment, eux et leurs descendants, les membres permanents ; j’ai nommé l’AP-HP et ses apparatchiks, à la bureaucratie tentaculaire et oppressive

Et puis, ce que je trouve extravagant aussi, c’est que ce gars-là, directeur des hôpitaux de Paris, ait le temps de lire tous les jours son journal préféré de A à Z. Ou bien il lit très très vite, ou bien il ne fout rien, de rien, de rien, de rien. Sans compter le formidable sentiment d’impunité, fréquent chez ceux qui ont longtemps gravité autour du pouvoir, qui sourd de cet aveu d’oisiveté, grassement financée par l’argent du contribuable, un contribuable qui, lui, heureusement pour les finances publiques, ne lit pas Le Monde de A à Z. Était-ce de ces insupportables inégalités-là dont Monsieur Hirsch voulait trouver le remède, lors de son adolescence politisée ?

Braves patients, pauvres médecins de base, ce que Mitterrand appelait « la piétaille » de la médecine, ne comptaient pas sur eux, les Martin Hirsch et consorts, pour toucher à quoi que ce soit… Pas fous, non ?

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Dr Patrick Sinibaldi, Médecin généraliste, Nice (06)

Source : Le Quotidien du médecin