C’est avec grand intérêt que j’ai consulté le dossier du «Quotidien» du 11 juin concernant la précarité et la Covid-19. Les différents articles de cette thématique étaient clairs et tout à fait justes.
La problématique de la vaccination de ces populations est un véritable casse-tête. Les confrères travaillant – comme notre équipe – avec le personnel en charge des sans domicile ont souligné, dans l’article sur la vaccination, les réelles difficultés auxquelles nous sommes actuellement confrontés.
Les patients précaires sont susceptibles d’être en première ligne dans les services de réanimation s’ils contractent ce virus. En effet, ils sont porteurs de nombreuses comorbidités à l’origine parfois d’une défaillance immunitaire.
Or deux écueils nous freinent lors de la réalisation de la campagne vaccinale : leur âge (inférieur à 50 ans pour la très grande majorité) qui contre-indique le recours à certains vaccins (AstraZeneca ou Jansen) ; et surtout leur nomadisme qui souvent rend impossible la réalisation d’une seconde dose.
Dans ce contexte, les consœurs interviewées estiment souhaitable malgré tout d’effectuer une première dose qui va conférer une immunité partielle. C’est une solution qui peut se discuter. Une autre, tout aussi critiquable, pourrait être proposée : le recours au vaccin Jansen en une dose, en prenant la responsabilité en cas de problèmes du fait de leur âge.
En ce qui concerne notre prise en charge, elle a été très simple. Les patients hébergés au sein de foyers ont été vaccinés avec AstraZeneca car ils avaient plus de 55 ans. Pour les autres, nous réfléchissons à l’opportunité d’une vaccination des volontaires (il faut laisser le choix comme pour les autres patients) ; et il est probable que nous allons, du fait de la pression des pouvoirs publics, effectuer une vaccination des plus jeunes avec Moderna, avec l’espoir qu’ils feront une seconde dose.
Très peu de contaminations
L’action des acteurs sociaux durant cette période a été très éprouvante. Dans un premier temps, au sein de notre association qui prend en charge plus de 200 patients précaires par jour, aucun éducateur et aucun agent d’accueil n’a déserté la place. Leur comportement a été exemplaire, situation qui n’est malheureusement pas suffisamment soulignée dans les articles sur la précarité. Dès mars 2020, ils sont restés sur le pont en étant conscient des risques; cela sans masques. Bien entendu, la distanciation sociale (que nous leur avons recommandée) a été l’élément primordial qui leur a évité toute contamination.
De plus, ils ont dû recevoir plus d’usagers en accueil de nuit, car les autorités ont souhaité mettre le maximum de sans abris dans des structures d’hébergement. Le stress a conditionné ces résidents qui étaient en surnombre dans les différents centres (surtout ceux qui n’ont pas l’habitude de vivre en communauté et qui y ont été contraints).
Par ailleurs, nous avons décidé, avec un étudiant, de réaliser un travail de thèse (qui sera soutenu en septembre) sur ce sujet : comparaison des motifs de consultation avant et après la Covid. De cette manière, nous allons mettre en avant l’impact médico-social de la Covid, mais aussi le fait que la totalité des soignants ont travaillé durant cette éprouvante et incertaine période.
En respectant des mesures basées sur le bon sens, nous n'avons eu que très peu de contaminations parmi ces populations. Cette situation inédite a été l’occasion de bien voir que certains CHRS (centres d’hébergement et de réinsertion sociale) ont pu tirer parfaitement leur épingle du jeu, et ont poursuivi les actions demandées avec un professionnalisme exemplaire.
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